Echoes of Zoo : Dans la Cage aux Lions
Ce fait divers remonte à bientôt trois ans : Malines, le site du zoo de Planckendael. Plutôt que se morfondre au fond d’une triste cage, une lionne s’échappe de son enclos et se balade quelques heures dans les alentours… avant d’être abattue froidement par la police. Le quartet Echoes of Zoo en a fait une chanson, « Dance Around Bullets », mais aussi un concept : la défense des plus fragiles. Le leader, Nathan Daems (par ailleurs saxophoniste au sein de Black Flower) s’en explique…
Nathan Daems © Annie Boedt
«Nous ne devrions pas sous-estimer l’intelligence du monde animal. Il a énormément de choses à nous apprendre.»
En principe, dans un zoo, tout se trouve sous contrôle, … alors que dans la jungle, c’est nettement plus imprévisible. Pourquoi ne vous êtes vous pas appelés « Echoes of Jungle » ?
Nathan Daems : (il rit) C’est vrai ça ! On imagine mal l’importance des animaux dans notre existence. Enfant, j’habitais pas très loin d’un zoo. J’entendais les sons qui en provenaient. Entendre le rugissement des lions, ça m’a marqué, c’est resté en moi…
Vos titres font souvent référence au animaux, en effet… Sur la pochette de votre premier EP, vous aviez indiqué : « Sans les animaux, aucun être humain n’existerait ».
N.D. : Depuis toujours, j’étais fasciné par les animaux, sans trop comprendre pourquoi. Je sais mieux maintenant. Nous ne devrions pas sous-estimer l’intelligence du monde animal. Il a énormément de choses à nous apprendre.
Echoes of Zoo © Grégoire Verbeke
Au-delà de l’énergie que vous déployez dans votre musique, il y a un concept ? Quel est le concept d’Echoes of Zoo ?
N.D. : Oui, en effet. Il y a ce côté brut dans notre musique, de l’énergie. Mais cela s’accompagne aussi d’une certaine élégance… A l’image du lion finalement !
Je pensais aussi à la philosophie « punk » que vous adoptez. Comme pour le titre de votre premier EP : « First Provocations ».
N.D. : Pas tout à fait… Nous pensons qu’il y aura un jour une révolte des animaux. C’est de cela qu’il s’agit dans « First Provocations ». Il ne s’agit pas de provoquer dans le sens « agressif » du terme, mais bien de provoquer une réaction, une prise de conscience chez ceux qui écoutent notre musique. On ne cherche pas à être plus explicites que cela. Je ne vais pas passer mon temps à expliquer aux gens pourquoi je ne mange pas de viande. Ça ne les intéresserait pas… A chacun de mener sa propre réflexion.
«Notre message, on ne peut le faire passer qu’avec le choix des titres ou des illustrations des pochettes.»
C’est important pour vous, semble-t-il, de donner la parole aux plus fragiles. Une façon de vous opposer à la crise politique que la Flandre connaît en ce moment ? Où les gens semblent devenir plus individualistes ?
N.D. : Oui, c’est l’idée. Mais on fait de la musique instrumentale. Le message, on ne peut le faire passer qu’avec le choix des titres ou des illustrations des pochettes. On a choisi le thème des animaux pour le côté « underdog » du concept. Pour en revenir à l’aspect politique, je crois que tout devrait s’assembler. Gauche et droite sont deux idéologies qui ont besoin l’une de l’autre pour fonctionner. Il ne peut y avoir une solidarité sans sécurité, et vice-versa… Il existe sans doute des raisons qui font que les gens votent pour l’extrême droite. Plutôt que critiquer, ce serait plus efficace d’essayer de comprendre pourquoi ils effectuent ce choix-là.
Nathan Daems © Annie Boedt
Nathan Daems & Bart Vervaeck © Annie Boedt
J’ai lu dans ta biographie que tu te sentais insatisfait de l’enseignement que l’on donnait dans les Conservatoires en Belgique. Raison pour laquelle tu serais parti étudier la musique ailleurs.
N.D. : Je ne prétends certainement pas que les professeurs de musique sont meilleurs ailleurs… J’ai connu d’excellents professeurs dans les Conservatoires en Belgique. Par contre, c’est vrai que le tout premier que j’ai eu, quand j’étais enfant, était tellement conservateur que j’ai fini par abandonner le saxophone pour la guitare. Je n’ai récupéré le saxophone que bien plus tard. Non, j’ai énormément de gratitude pour certains d’entre eux.
«Avec Black Flower, nous ne nous attendions pas à occuper le statut de groupe inspirant pour la nouvelle génération. Nous faisons simplement la musique que nous aimons.»
Il me semble, à entendre les nouvelles générations de musiciens flamands, qu’il existe au contraire un esprit d’ouverture extrêmement fort aujourd’hui…
N.D. : Au Conservatoire, nous avons tous démarré avec les racines : le be-bop, tout ça… Mais il fallait bien démarrer par quelque chose… J’ai eu beaucoup de professeurs qui me laissaient peu à peu me diriger vers d’autres styles, qui m’y encourageaient… Ça prouve juste une chose, c’est que les professeurs te donnent d’abord une base, avant de t’encourager à suivre ton propre chemin. L’éducation musicale s’améliore nettement en Belgique. Je le vois avec tous ces jeunes musiciens qui arrivent.
Tu fais également partie de Black Flower, l’un des groupes inspirants de cette nouvelle génération…
N.D. : Nous ne nous attendions pas du tout à occuper ce statut. Nous faisons simplement la musique que nous aimons.
«Pour qu’une musique vive, il faut la faire évoluer. On ne peut pas valoriser une tradition en la recopiant… On la tuerait.»
Avec d’autres (Nordmann, Dans Dans, Stuff., et tant d’autres) on peut dire que vous avez « dé-zoné » le jazz. En y apportant de l’énergie, de l’exotisme.
N.D. : En vérité, les changements de caps ont toujours eu lieux. Si tu prends Miles Davis ou John Coltrane, ils ont eux-aussi et il y a bien longtemps, modifié les codes. Alors qu’eux-mêmes avaient leurs propres idoles dans le jazz. C’est dans la nature des choses et en même temps un contraste : pour qu’une musique vive, il faut la faire évoluer, modifier les codes. On ne peut pas valoriser une tradition en la recopiant. On la tuerait.
Falk Schrauwen © Annie Boedt
Il y aura eu trois années entre la sortie de votre premier EP « First Provocations » et votre album « Breakout ». Vous n’avez pas eu peur qu’on vous ait oublié entre-temps ?
N.D. : (il rit) Non… C’est une question pour notre manager, ça. Nous, on avance à notre tempo. Mais trois ans ?! Ça m’étonne… Ceci dit, je n’ai pas eu l’impression de ne rien faire… Puis nous avons tous plusieurs projets en route.
Justement : quand tu composes, t’arrive-t-il de te demander quelle voie ce titre allait prendre ? Echoes of Zoo ou Black Flower ?
N.D. : C’est une bonne question ! Parfois, je me la pose aussi… Mais quand j’arrive au local de répétition, il n’y a plus d’ambiguïté… En fait, je compose souvent en fonction des musiciens, de la configuration du groupe.
«Avec Echoes of Zoo, nous jouons sur des rythmes obscurs, presque vaudous.»
On aurait pu penser que les titres les plus durs allaient vers Echoes of Zoo, un concept plus énergique et moins sophistiqué que Black Flower…
N.D. : Je vois ce que tu veux dire… Mais non, je ne pense pas particulièrement en ces termes-là… Avec Black Flower, nous jouons en quintet, il y a des claviers, deux souffleurs, ce qui permet d’utiliser d’autres couleurs. Parfois, une composition a besoin d’un tel line-up… C’est ce qui me fera décider. Avec Echoes of Zoo, on joue davantage avec des rythmes obscurs, quasiment vaudous. Notre batteur, Falk Schrauwen, s’intéresse à la musique africaine, le Bénin, le Sénégal… C’est intéressant de composer selon les spécificités de chacun. Ça permet d’obtenir une adhésion plus facilement…
Nathan Daems & Lieven Van Pée © Annie Boedt
Nathan Daems © Annie Boedt
Dans un cas comme l’autre, il faut du « groove »…
N.D. : Oui, mais il pourrait y avoir aucun tempo. Pour Black Flower, ça peut arriver sur tout un titre, alors que pour Echoes of Zoo, ça ne se fera que sur une courte séquence. J’ai d’ailleurs fondé Echoes of Zoo parce que j’avais besoin de cette énergie. Je t’ai entendu dire « punk », d’accord, nous sommes impliqués.
«Je suis confiant : les concerts vont bientôt recommencer… Et je te prie de croire que ça va être la fête !»
Je ne me trompe sans doute pas si j’affirme que vous êtes un groupe de scène ? Que plus que d’autres encore, vous attendez impatiemment la reprise des concerts ?
N.D. : Oui, tout à fait ! Les concerts nous manquent beaucoup ! On a enregistré notre disque entre-temps, c’est ce que nous avions finalement de mieux à faire. On a quelques dates prévues, mais ce n’est pas encore très clair. Il y a des options, des reports… Mais je suis confiant : ça va recommencer et je te prie de croire que ça va être la fête !
Echoes of Zoo
Breakout
W.E.R.F.
Une collaboration Jazz’halo / JazzMania
Propos recueillis par Yves «JB» Tassin / Photos : Annie Boedt (Dankjewel!) et Grégoire Verbeke