Frisell – Morgan, Small Town
Bill Frisell/Thomas Morgan, Small Town
Live @ Village Vanguard
On connait et apprécie Bill Frisell depuis tant d’années; à la fois pour sa gentillesse et son humilité sur scène – on a souvent l’impression que du regard il nous remercie d’être présent ! -, et pour ses énormes qualités d’instrumentiste, mélodiste, inventeur de sons et explorateur de toutes les cultures américaines. Entre le renouvellement du langage bop du trio avec Paul Motian et Joe Lovano, la relecture de classiques du rock (John Lennon, Dylan…), les classiques de la country, les musiques de film, les créations, on ne sait quelle facette du guitariste on préfère. Et ça tombe plutôt bien avec ce duo enregistré au mythique « Village Vanguard » avec le contrebassiste de son projet « When You Wish Upon A Star » consacré aux musiques de films, car on y retrouve un zeste de chacun de ces univers chers à Bill Frisell. L’album s’ouvre sur It Should Have Happened A Long Time Ago de Paul Motian, le partenaire de plus de trente années : une pièce lente, lyrique à souhait où déjà la contrebassiste de Thomas Morgan fait doucement entendre sa capacité à créer, anticiper, répondre au guitariste. Suit Suconscious Lee de Lee Konitz, le moment légèrement bop du concert. On sait que le saxophoniste a participé à l’album « On Broadway » avec le trio Motian-Frisell-Lovano, mais ce ne serait pas la raison de ce choix de répertoire : renseignement pris, il semble que le morceau ait été ajouté au répertoire en dernière minute pour saluer la présence Konitz dans la salle. Dans le registre musique de film, on trouve une version de « Goldfinger » très proche du thème; moins reconnaissable, What A Party fut joué il y a longtemps par Fats Domino. Et Wildwood Flower n’est autre qu’un des thèmes les plus joués par Johnny Cash, sur lequel Frisell fait ressortir les accents folk de la chanson. Le reste du répertoire est composé de pièces du guitariste dont le titre éponyme ainsi qu’un mix de « Poet » avec la seule composition de Thomas Morgan sur l’album, Pearl, un titre que la musique ne démentira pas. De la première à la dernière note, on est subjugué par les sonorités du guitariste, reconnaissables entre mille, et la fluidité du jeu de Thomas Morgan qui, loin de jouer au métronome, habille les pièces de son jeu inventif et intuitif. Une superbe réussite que ce duo qui se joue des styles et des normes.
Jean-Pierre Goffin