Ingi Bjarni : Farfuglar
Après « Tenging » sorti en 2019, « Farfuglar » est le second album du quintet d’Ingi Bjarni Skúlason. Ce pianiste islandais s’inscrit dans les traditions d’un jazz nordique aérien, évocateur et imprégné de folklore. À l’instar des oiseaux migrateurs (farfuglar en islandais) représentés sur la pochette, Ingi, qui a écrit toutes les compositions, a voyagé dans les pays d’Europe du Nord afin de rassembler les musiciens appropriés pour interpréter sa musique : le trompettiste norvégien Jakob Eri Myhre, la guitariste Merje Kägu originaire d’Estonie, le bassiste suédois Daniel Andersson et le batteur norvégien Tore Ljøkelsøy. Les mélodies sont accrocheuses, les arrangements somptueux, et la trompette a cette sonorité veloutée qui renvoie à Chad McCullough ou à Tomasz Stańko, époque « Dark Eyes » / ECM. L’approche relative à l’improvisation est en plus originale, les musiciens intervenant souvent ensemble, comme sur « Thyding (Translation) » ou sur « Bjogun A Dogun (Distortion of Daybreak) », pour créer des envolées collectives de toute beauté. Mais des solos individuels sont aussi proposés dont certains très réjouissants. On s’en convaincra en écoutant la trompette moelleuse de Jakob sur « Ad fljúga (To Fly) », la guitare, plus rude, sur « Bjogun A Dogun », le piano sur le mélancolique « Thad Sem Er (That Is) » et même la contrebasse jouée à l’archet sur « Farfuglar ».
Ingi Bjarni a bien défini le cap de son voyage : la cohésion de sa musique est sans faille tandis qu’elle parvient à exprimer au fil des plages une large palette de sensations et d’images poétiques. On ne peut par exemple pas s’empêcher, en écoutant le titre éponyme, de penser aux flèches d’oiseaux migrateurs qui fendent l’air vers l’horizon ou, sur « Loftin blá (The Blue Sky) », d’avoir envie de respirer l’air pur et vivifiant d’une brise islandaise que cette composition suggère de manière si explicite. Le disque se referme sur un élégiaque « Mamma Engill (Mother Angel) » interprété par Ingi Bjarni seul au piano. « Farfuglar » est un autre sublime album de musique qui nous est envoyé du pays de Bjork, d’Anna Gréta et de Sigur Rós.