Lara Humbert, la dame de Haute-Savoie
La pianiste Lara Humbert sort un premier disque en autoproduction. Rencontre.
Bonjour Lara, vous venez de sortir votre premier album ; pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Lara Humbert : Je suis française de Haute-Savoie. J’ai commencé la musique à six ans, j’ai choisi le piano sans me dire que j’en ferais une profession, j’ai passé mon bac, puis j’ai commencé le jazz et j’ai trouvé ça trop bien. Je suis alors partie à Lyon pour étudier avec Franck Avitabile, mon premier prof, très important pour moi. Puis je suis venue à Bruxelles et j’ai été ravie de ce changement et y suis restée.
«À Bruxelles, j’ai trouvé une scène bienveillante.»
Bruxelles est une ville accueillante.
L.H. : Oui, je m’y suis sentie tout de suite bien, je trouvais la scène plus bienveillante. Par exemple, quand j’allais aux jams, il n’y avait rien de l’ordre du jugement, on y retrouvait les amis du Conservatoire, il y avait aussi les professionnels qui étaient là. J’ai tout de suite eu un sentiment de communauté.
Et là, on s’intègre aux jams…
L.H. : Les premières jams c’était au Muntpunt où l’ambiance était très sympa ; il y avait aussi le Sounds pour les jams, avec Manolo Cabras qui était très bienveillant.
Voici un premier disque avec un mix de musiciens belges et français.
L.H. : Amèle (Metlini – NDLR) est aussi française, franco-marocaine, Benjamin Sauzereau aussi.
L’album contient huit compositions personnelles : pourquoi cette envie d’un répertoire original ?
L.H. : Ce qui a lancé mon envie de composer, c’est la rencontre avec Tim Berne lors d’une masterclass. J’étais à ce moment-là dans l’Orchestre National des Jeunes de l’ONJ. Ça a changé ma façon de voir la composition ; j’apprenais qu’il suffisait parfois juste d’une phrase et que c’était suffisant pour faire de la musique. Il n’y a pas de limites pour former un groupe, mais ça crée aussi des barrières, j’aimais ce que ça offrait comme liberté dans le rythme, dans l’harmonie aussi. Du coup, je me suis dit que je ne mettrais pas de basse, et comme j’adorais la guitare, j’ai pensé à Benjamin. Amèle est une des premières personnes que j’ai rencontrée à Bruxelles, on a tout de suite accroché et j’aime le son du violon… J’ai d’ailleurs choisi les instruments par rapport au son. On a essayé et ça fonctionnait bien.
«Je n’aime pas trop choisir un style en particulier.»
C’est dans cet esprit-là que tu as composé pour l’album des petites phrases qui servent d’accroche ?
L.H. : Oui, c’est ça. Il y a des morceaux où il y a juste une petite mélodie et on tourne autour comme dans « Pinède », mais il y a aussi des harmoniques qui apparaissent, ce morceau n’est jamais joué deux fois de la même manière, c’est un peu ça l’influence de Tim Berne. J’aime aussi beaucoup les mélodies en contrepoint, des musiques entre la musique tonale et la musique atonale parce que ce sont des fragments de tonalité, et puis de les emboîter avec une base qui donne des ressorts rythmiques à certains moments, c’est quelque chose que j’adore. J’aime beaucoup le travail de Mary Halvorson, j’écoute aussi de la pop et je mixe un peu toutes ces influences, je n’aime pas trop choisir un style en particulier.
Mary Halvorson est sans doute aussi une influence de Benjamin Sauzereau ?
L.H. : Oui, il aime beaucoup ce qu’elle fait.
Et le choix d’Amèle au violon qui joue aussi avec le Watar Quartet. Ça donne une musique fort imagée.
L.H. : Oui, je pense que j’ai une grosse part de moi qui angoisse de ne pas avoir plutôt fait du cinéma, j’adore les images et ça s’entend dans ma musique.
Des passages plus sombres et plus intrigants dans votre musique.
L.H. : C’est toujours dans l’influence de Tim Berne. Quand j’écris ce genre de mélodie, je pense en intervalles, donc, je choisis l’intervalle que j’ai envie d’entendre et puis si je veux quelques notes qui évoquent une gamme majeure pour donner un peu de brillance, alors je construis un peu la mélodie en dentelle. Ça donne un côté un peu sombre et abstrait ; dernièrement on a fait une live session avec le groupe et on a décidé d’incorporer des images externes, et dans ces moments-là, la musique paraissait très grave alors que ce n’est pas le but. Je pense que le fait de tendre vers la musique atonale donne ce côté sombre, mais ce n’est pas voulu, même s’il y a un côté mélancolique dans ma musique.
Et il y a un batteur très souple, plus coloriste que rythmicien, c’est Gaspard Sicx.
L.H. : Oui, il y a eu la question de savoir s’ il fallait amplifier le violon à cause de la batterie, et il y a un gros travail de Gaspard pour jouer avec un violon, ce qui nécessite de jouer avec les couleurs , de jouer moins fort, plus subtil. Gaspard est très doué pour ça, même quand il joue des trucs plus rythmiques, il y met beaucoup de souplesse.
«Le truc avec la musique, c’est que plus on la répète, moins c’est frais.»
L’enregistrement a nécessité beaucoup de prises ?
L.H. : Non, il n’a pas fallu beaucoup de prises. Mais on a travaillé beaucoup avant d’entrer en studio. Le truc avec cette musique, c’est que plus on la répète et moins c’est frais. Et puis là on n’avait que deux jours.
« Thank you/come again » c’est un clin d’œil à l’auditeur : merci de nous écouter et après, venez nous voir ?
L.H. : (rires) A la base, c’est toujours un peu une blague en concert : on le joue souvent à la fin du concert, tout le monde rigole et c’est sympa !
A propos de concerts, des dates en vue ?
L.H. : On joue au Baixu le 19 septembre pour présenter le nouveau répertoire parce que j’ai décidé d’intégrer une chanteuse au groupe, Marie-Amélie Clément à qui j’ai fait appel pour écrire des textes sur ma musique. J’ai trouvé que ça sonnait tellement juste que j’ai décidé de l’intégrer. On a enregistré des live sessions récemment qui sortiront en septembre et on présentera ce programme au Baixu, mais aussi des morceaux de l’album, je pense. Le thème des morceaux c’est la campagne, je viens de la campagne et le but est de reprendre des éléments essentiels de la vie d’un village et de les mettre en musique.
L’improvisation est quelque chose qu’on maîtrise naturellement ?
L.H. : C’est un challenge de toujours dans ma musique : comment proposer une belle écriture qui incitera à l’improvisation et sentir à quel moment on le met dans le morceau. C’est quelque chose qui se redécide avec le groupe : on voit comment ça marche et si ce n’est pas le cas, on cherche autre chose.
Benjamin est aussi un élément très important dans ta musique, il a un sens du son qui colle à ta musique.
L.H. : Oui, tout à fait. Le son de la guitare électrique englobe le son du groupe. Sur deux pistes, il joue de la guitare acoustique. C’est quelqu’un qui a été très important dans le processus. Ce n’est pas du tout quelqu’un de passif, il met son nez partout (rires), et c’est très chouette pour moi d’avoir son expérience ; ceci est mon premier groupe et j’estime avoir eu de la chance qu’il veuille bien écouter mes compositions alors qu’il ne me connaissait pas et que je venais d’arriver à Bruxelles.
L’autoproduction c’est un choix ?
L.H. : Je pense que c’est impossible de trouver un label un peu intéressant si on n’a pas eu d’articles dans la presse. Je n’ai pas non plus perdu de l’énergie pour trouver un label.
Lara Humbert en concert au Baixu, Bruxelles, le 19 septembre.
Lara Humbert Quartet
Pinède
Autoproduction