Le dossier Intervalles du mois ‐ Novembre : George Clinton et le P-Funk #1

Le dossier Intervalles du mois ‐ Novembre : George Clinton et le P-Funk #1

En partenariat avec la radio Equinoxe FM (105.0 à Liège et streaming), JazzMania vous proposera tous les mois un dossier musical spécifique. Chaque mois un thème, toujours sous le signe de la (re)découverte.

Le dossier est lourd, la matière est riche. Voici l’Histoire d’un petit coiffeur américain qui rêvait de fonder un groupe de doo-wop et qui finira par poser les bases de l’empire P-Funk. George Clinton : ses coups de génie, ses frasques…

1. Frankie Lymon and the Teenagers : I Want You to Be My Baby (« Street Corner Symphonies vol.8 1956 ») ‐ Bear Family

Frankie Lymon, petit prince du Doo Wop, un sous-genre du rythm’n blues en vogue dans les années 50. Nous sommes en 1956 pour être précis et le petit George Clinton, 14 ans à l’époque, fond. Il décide à son tour de créer son propre groupe de doo-wop. Il lui donne le nom d’une marque de cigarettes : The Parliaments. La route vers le succès sera terriblement longue… Voici l’histoire de George Clinton, étroitement associée à celle du P-Funk.

2. Parliament : Funky Woman (« Osmium ») ‐ Edsel Records

Le gros mot est lâché : Funky ‐ « Funky Woman » un extrait du premier album de Parliament (le « s » de Parliaments a disparu pour raisons légales). « Osmium », paru en 1970… Galère en effet et chemin extrêmement long avant que le groupe vocal de Clinton Parliament décroche enfin un contrat. Jusque-là, Clinton travaille dans un salon de coiffure dans l’arrière-salle duquel il répète. Il y a bien eu un 45 tours en 1959, mais rien à faire, le groupe ne décolle pas. Nouvelles tentatives dans les années 60 et enfin un hit en 1967 : « I Wanna Testify ». Parallèlement, il prépare des shows et il monte donc un groupe instrumental qui comprend déjà des icônes du funk : Eddie Hazel à la guitare, Bernie Worrell aux claviers ou encore William « Billy Bass » Nelson.

3. Funkadelic : Music For My Mother (« Funkadelic ») ‐ Westbound

Vous l’avez compris, ce groupe support au Parliament, c’est Funkadelic. Et franchement, Funkadelic / Parliament ça devient déjà choux verts et verts choux. D’ailleurs chronologiquement, c’est Funkadelic qui ouvre la voie de la discographie de Clinton. Le premier album – éponyme – de Funkadelic sort deux mois avant celui de Parliament. Un premier album déroutant qui démarre l’histoire du P-Funk.

4. Funkadelic : I Wanna Know If It’s Good For You (« Free Your Mind… And Your Ass Will Follow ») ‐ Westbound

On peut le dire, commercialement les débuts de Clinton sont un échec. Vous le verrez, il n’est jamais à court d’idées, parfois plutôt saugrenues… Il décide d’enregistrer l’album suivant durant un trip collectif au LSD. Tripper, jouer, enregistrer et mixer, tout cela durant la même journée. Clinton n’est jamais non plus à court de slogans provocateurs. Cet album, le deuxième de Funkadelic, il l’appelle « Free Your Mind… » écrit au recto de la pochette où apparaît aussi le visage de la magnifique mannequin Barbara CheeseBorough « And Your Ass Follow »… et c’est bien le postérieur du mannequin que l’on voit au verso. Libérez votre esprit… et le cul suivra.

5. Funkadelic : You And Your Folks, Me And My Folks (« Maggot Brain ») ‐ Westbound

« Free Your Mind » est massacré par la critique et pire, la tournée qui suit vire bien souvent au n’importe quoi. Clinton s’en fout, il cherche de nouvelles idées et en trouve une pour le troisième album de Funkadelic, « Maggot Brain » qui sort en 1971, avec cette pochette que nous connaissons tous, le même mannequin Barbara Cheeseborough, hurlante et entièrement enterrée dans le sol jusqu’au cou. L’idée de Clinton est horrible : il demande à son guitariste – qui sera la vedette principale du disque – de jouer comme s’il venait d’apprendre la mort de sa mère avant de réaliser qu’elle se trouve en fait en parfaite santé. Le mixage est à l’avenant au point que les ingés son refusent que leur nom soit mentionné… Avec le temps… tout s’en va ou s’en vient. « Maggot Brain » est aujourd’hui classé parmi les 500 albums essentiels de tous les temps !

6. Ruth Copeland ‐ Featuring Parliament : Your Love Been So Good to Me (« Self Portrait ») ‐ Deep DB Beats

Parallèlement et en attendant que les choses se calment un peu au sein de Funkadelic, Clinton réanime Parliament qui enregistre deux albums pour le compte de la sulfureuse Ruth Copeland : « Self Portrait » puis « I Am What I Am » qui sort en 1972.

7. Funkadelic : Loose Booty (« American Eats Its Young ») ‐ Westbound

Nous voici en mai 1972 avec un quatrième album de Funkadelic, le 5ième en deux ans dans la galaxie P-funk qui comprend ceux de Parliament. Ce disque-ci est un double album ambitieux. Il y a le feu dans la maison et Clinton assume son rôle de meneur puisqu’en tout une trentaine de musiciens sont conviés à l’enregistrement. Un mot sur la pochette de ce disque, du Clinton tout craché, une pochette qui représente un dollar géant quand on la déplie avec en titre un slogan provocateur de plus ‐ nous sommes en pleine guerre du Vietnam ‐ « American Eats Its Young ». Les Américains bouffent leur jeunesse.

8. Funkadelic : Nappy Dugout (« Cosmic Slop ») ‐ Westbound

Même si elle n’est pas une longue ligne de coke tranquille, la vie de Funkadelic se poursuit. L’album suivant sort en juillet 1973. Il s’appelle « Cosmic Slop » et est marqué par deux événements. D’abord, en froid avec Clinton, le guitariste emblématique de Funkadelic, Eddie Hazel, clape la porte. Autre événement qui aura lui aussi son importance, mine de rien, Clinton fait la connaissance d’un fan de Funkadelic, qui lui envoie des courriers sous la forme de collages bizarroïdes. Ce fan a pour nom Pedro Bell. Clinton va lui confier l’essentiel du design des pochettes à venir de Funkadelic. Une marque de fabrique au même titre que le son p-funk.

9. Funkadelic : Standing on the Verge of Getting on (« Music for Your Mother ») ‐ Westbound

Est-ce dû à l’absence de Hazel ? « Cosmic Slop » est trop propret… Il décontenance les fans du groupe par son accessibilité. Hazel revient… sous un patronyme « Grace Cook » qui est le nom de sa mère, pour l’enregistrement de l’album suivant. Pur jus Clinton en ce qui concerne le titre : « Standing on the Verge of Getting on » – que je vous traduirai par « Je suis sur le point de le faire… » Quoi ? Au fait, ce disque reçoit un accueil glacial de la presse…

10. Sly & the Family Stone : Family Affair (« There’s a Riot Goin’on ») ‐ Epic

Un autre événement a lieu cette année-là… Le 2 avril 1974, Funkadelic partage l’affiche à la Civic Arena à Pittsburgh avec Sly & the Family Stone. George Clinton avait déjà rencontré celui qu’il considère comme étant l’une de ses principales influences, Sylvester Stewart alias Sly. Mais c’est à partir de ce moment-là que les liens se resserrent et que les chemins de ces deux gars un peu frapadingues vont régulièrement se croiser. Sly & the Family Stone, en réponse au « What’s Going On » de Marvin Gaye… sur fond de crise politique aux States : « There’s a Riot Goin’ on ».

11. The J.B.’s : Soul Power ’74 (« Funky Good Time ») ‐ Polydor

Autre grosse influence ‐ moins avouée, celle-là ‐ James Brown envers lequel Clinton ne peut cacher une certaine jalousie. Ce son, il le veut ! Et il parvient à débaucher trois pièces maîtresses des J.B.’s, le groupe de James Brown : Bootsy Collins, Fred Wesley et Maceo Parker… Trois futures pointures du funk.

12. Parliament : The Goose (« Up For the Down Stroke ») ‐ Casablanca

Mais que devient donc le Parliament, le groupe autour duquel tout devait graviter. C’est en 1974 que Clinton décide de le ressusciter. Il a signé un contrat chez Casablanca – bientôt, le label référence du disco et il sort fin 74 « Up For the Down Stroke » un album réconciliateur des masses avec un son très léché. Cet album a été enregistré, précisons-le avant le débauchage des J.B.’s…

Let’s Dance ! Et fin de la première partie de la grande et palpitante aventure P-funk… La suite (et notamment la plongée en enfers) dans un mois.

Intervalles sur Equinoxe FM
Chaque mardi à 22 heures (rediffusion le jeudi, 22 heures)

Yves Tassin