Le Festival Tough Enough au Botanique (Bruxelles, 29-30/11/24)

Le Festival Tough Enough au Botanique (Bruxelles, 29-30/11/24)

Howe Gelb © Georges Tonla Briquet

Nous avons assisté à un nouveau festival (roots) en salle au Botanique de Bruxelles, principalement connu pour son offre de rock alternatif et de pop. En gardant à l’esprit le nom de notre magazine, nous nous sommes immergés pendant deux jours dans les styles de musique les plus divers.

C’est à Frédéric Maréchal, directeur officiel du Botanique depuis l’année dernière, que revient l’initiative du Festival Tough Enough. Auparavant, il était, avec Myriam Boone, à l’origine de Roots & Roses à Lessines.

Son intention est d’attirer un nouveau public au Botanique lors de ce festival de deux jours. Ainsi, le Tough Enough nous offre une sélection de pas moins de vingt-sept concerts, répartis sur trois salles, et qui font la part belle à l’americana, au swing, au garage rock, au bluegrass, au surf et à bien d’autres genres encore …

Vendredi 29 novembre

Les concerts du vendredi ont été consacrés principalement à du rock plus lourd. Nous avons apprécié le trio danois The Sonic Dawn et son rock psychédélique qui s’inspire fortement du blues des Doors, de Jefferson Airplane, de Jimi Hendrix et de The Grateful Dead. C’est admirable comme ils ont tout dosé à la perfection. Comme si nous nous replongions soudainement dans l’emblématique Fillmore West de San Francisco, à la fin des années 1960, où se produisaient tous ces groupes à l’époque.

Le trio suisse The Jackets, avec l’énergique frontwoman Jackie Brutsche dans le rôle d’électron libre, possède manifestement toute la discographie des White Stripes, mais a surtout beaucoup écouté les Stooges et les Sonics. Quant au groupe 50 Foot Combo, il célèbre actuellement ses 30 ans de tournée sous la devise « lust for live ». En vitesse de croisière, ils ont déferlé sur les vagues de décibels à travers un répertoire de psychosurfabilly, comme ils le font depuis trois décennies.

Lydia Luce © Georges Tonla Briquet

Howe Gelb, de Giant Sand, mais surtout connu pour une vaste discographie sous son propre nom, a proposé un détour par l’Arizona et la Californie aux sonorités de ce que l’on a décrit comme le desert rock. Les moments les plus intenses ont été ceux où il a associé le cool rock de Tony Joe White aux premiers jours du rock and roll dont Chuck Berry a écrit les références originales.

Le concert le plus intime du vendredi soir nous a été proposé par Lydia Luce. Accompagnée du guitariste acoustique Chris West, elle a créé une atmosphère de feu de camp. Ses chansons évoquent l’amour, les regrets et l’alcool. On ne parle pas encore de Gram Parsons ni d’Emmylou Harris, mais Lydia est bien partie pour emprunter la même « gravel road » que Lucinda Williams.

Samedi 30 novembre

Les prestations du samedi étaient surtout placées sous le signe de la musique « old school » et des instruments à cordes. Concrètement, cela s’est traduit par un flot de musique roots passionnante et en provenance du monde entier.

Les huit musicien(ne)s de High Jinks Delegation nous ont transportés directement dans le Quartier français de la Nouvelle-Orléans, et plus particulièrement sur la Frenchmen Street. Nous les avons suivis dans ce qui ressemblait à une tournée des bars où résonnaient, à chaque endroit, une variété différente de jug band et de styles apparentés. Ils ont emporté avec eux banjos, mandoline, accordéon, contrebasse et une foule d’autres instruments. C’est avec un enthousiasme débordant qu’ils nous ont chanté et joué des airs de danse à gogo.

A Murder in Mississippi © Georges Tonla Briquet

Le groupe gantois A Murder In Missississippi a dû composer sans son mentor Tiny Legs Tim, une perte qu’ils ont miraculeusement surmontée, comme en témoigne leur nouvel album « Rêverie » (Chronique JazzMania). Ils ont immédiatement invité le public à monter à bord de leur « Black Train », qui est également le morceau d’ouverture énergique de l’album. Nous avons été emmenés dans une tournée des carrefours historiques où se mêlent le blues, le western swing et le country billy. En chemin, nous avons entendu des histoires de boisson, de meurtre et de relations qui tournent mal, racontées au son du banjo, de la mandoline et du violon, entre autres. Pour un temps, le Botanique a ressemblé au delta où, à l’époque, se croisaient des trains de hobos célèbres, comme le Southern R.R. et le Yazoo Delta R.R. (« Yellow Dog »). Un conseil en or, réservez votre billet le plus tôt possible sous la forme d’un vinyle (avec une couverture dépliante et les illustrations de Costin Chioreanu qui a également fourni un clip personnalisé.

The Dad Horse Experience est le groupe constitué autour de Dad Horse Ottn, le magicien allemand du banjo et de la mandoline qui a tourné pendant des années en tant qu’homme-orchestre thérapeute. Aujourd’hui, ils sont quatre à avoir l’air de fonctionnaires soignés. Mais, derrière leur air sérieux, se cache un humour noir très prononcé que Randy Newman distille également dans ses textes. Pour le spectacle, ils ont choisi un mélange hybride tout aussi détraqué de speed-country et de banjo blues. De la mélancolie accumulée au cours d’une vie à arpenter les routes bleues. Yihaaaa !

On a cru un moment que le duo The Tailspins allait nous séduire comme Kitty, Daisy & Lewis l’avaient fait il y a quelques années. Nous avons assisté à un véritable « retour aux sources », avec des chansons imprégnées d’une atmosphère rétro et des tenues vintage personnalisées pour encadrer le tout. Le fait qu’ils ne manient tous deux qu’une guitare électrique n’était certainement pas un souci en soi. Le gros obstacle, par contre, se situait au niveau des commentaires inutiles et déplacés entre les chansons. Cela vaut la peine d’être souligné.

Pokey Lafarge constituait assurément la tête d’affiche absolue autour de laquelle le festival a gravité dès le début. L’« homme le mieux habillé » du circuit roots et americana actuel s’est donné à fond, notamment grâce à un groupe d’accompagnement endiablé. Il a enchaîné des perles de juke-box avec des références directes et parfois moins explicites à Creedence Clearwater Revival, Ry Cooder et même au swing manouche, entre autres. Le tout nous a été offert avec la bonne patine et, surtout, une coloration personnelle. Il a même inclus une valse ainsi qu’une rumba country en guise de publicité pour son dernier enregistrement sous ce nom. On attend déjà avec impatience son prochain passage.

Et c’est à Chuck Prophet qu’est revenu l’honneur de clôturer le festival. Il l’a fait de manière festive en commençant, tel un rocker pur sang, avec une version de « C’mon Everybody » d’Eddy Cochran, puis en passant de manière surprenante à des airs de cumbia très dansants et tirés de son récent CD « Wake The Dead ». Entre les deux, des citations de sa discographie passée, dont le classique « Jesus Was A Social Drinker ». Un final rêvé et exaltant pour clôturer ce Tough Enough.

Georges Tonla Briquet
Traduction libre : Alain Graff