Pépites #83, Around Jazz
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Yael Naim | Nightsongs
Après avoir connu quelques tâtonnements, la carrière de Yael Naim a décollé presque par hasard, il y a une douzaine d’années… Grâce à « New Soul », une chanson touchante et entraînante que la marque à la pomme choisira pour sonoriser une publicité. Depuis, la vie de la chanteuse franco-israélienne s’écoule lentement, comme un long fleuve tranquille, sans trop de vagues. Cinq albums (en comptant celui-ci) et quelques « Victoires » pour cette artiste respectée et respectable. Qui, à l’aube de la quarantaine, quand on se pose les questions qui torturent la raison et agitent le sommeil, a choisi une voie (très légèrement) risquée en guise de remise en question. Rien de bien bouleversant pour nous, si ce n’est quelques chansons composées à fleur de peau. Mais pour elle, un choix lourd de conséquences : donner naissance à ces ballades sans la participation de son binôme artistique, David Donatien. Ce qui s’apparente à une plongée dans le vide, le temps que durent quelques nuits de repli. Yael Naim nous entraîne ici – avec pudeur – dans un vaste champs introspectif et délicat, sans remous. Belles, éthérées et orchestrées avec précaution et légèreté (on apprécie tout particulièrement les interventions de l’ensemble vocal baroque Zene, tout en retenue), ces chansons nocturnes apaisent, quand les insomnies nous guettent. Le côté sombre de la beauté en somme.
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Enzo Carniel / House of Echo | Wallsdown
Des sons glanés au fin fond d’une forêt à ceux propulsés depuis une machine up-to-date, il existe l’équivalent d’une enjambée de géant. Un écart que Enzo Carniel souhaite nous voir franchir avec son projet en quartet, House of Echo. Il est vrai que l’homme pratique assidûment le yoga et se passionne pour la littérature de science-fiction. Son disque « Wallsdown » est dès lors truffé de références mystiques et baigne dans une spiritualité douce. Faut-il en déduire que la musique de House of Echo ne peut attendrir l’auditeur qui n’adhère pas pleinement à ces disciplines ? Absolument pas ! Cela sonne comme une évidence : cette musique est accessible à tous. Mieux, elle nous propose de découvrir de nouveaux décors poétiques qui relèvent aussi bien du domaine classique (on pense au minimalisme, mais aussi à des compositeurs comme Arvo Pärt) que de l’electro-ambient. Avec (bien entendu) une petite pointe de jazz… Belle découverte en effet !
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Giorgi Mikadze | Georgian Microjamz
Honnêtement, que connaissons-nous de la culture géorgienne ? Combien de noms pouvons-nous citer ? D’écrivains, de cinéastes, de musiciens ? Qu’a-t-elle à nous offrir cette petite république de moins de quatre millions d’habitants enclavés dans le Caucase ? Il y a en effet le compositeur de musique minimaliste Guia Kantcheli, qui nous a quittés il y a un peu moins d’un an et pour qui Manfred Eicher, le boss du label ECM, vouait une belle admiration.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus ignorer l’existence d’un autre musicien de la Géorgie. Le claviériste Giorgi Mikadze, dont le premier album combine sans détours les chants polyphoniques traditionnels de la république avec un jazz-rock daté et progressif comme on l’aime… Grâce à l’appui de David Fiuczynski (guitare) et de Panagiotis Andreou (basse) qui utilisent tous les deux des manches fretless, Giorgi Mikadze peut s’épanouir dans son sport préféré : le microtonal (ou les micro-intervalles si vous préférez). Parfois, et notamment lorsque l’ensemble Basiani intervient, nos oreilles peu aguerries perçoivent un manque de justesse. Rien d’insurmontable, rassurez-vous. Par contre, beaucoup de passion et de sincérité qui permettent à ce « Georgian Microjamz » respectueux de se frayer un chemin jusqu’aux âmes les plus élevées.
Joseph « YT » Boulier