La touche italienne dans le jazz belge…
Un coin d’Italie en Belgique.
La Belgique a toujours compté de nombreux musiciens ayant des racines italiennes, de Pierre Vaiana à Paolo Radoni ou Sal La Rocca, mais tous, à l’époque, étaient nés en Belgique.
Depuis quelque temps, plusieurs musiciens nés en Italie ont gagné le Conservatoire de Bruxelles et se sont installés en Belgique, en gardant des attaches avec la Grande Botte :
Manolo Cabras compose “E la nave va” en hommage à Fellini, Giuseppe Millaci reprend la chanson “Mi ritorni in mente” et Filippo Bianchini consacre l’album “Le Voyage” aux chansons d’Adamo. Quelques-uns ont répondu à la question : Qu’est-ce qui vous a incité à vous installer en Belgique ?
Propos recueillis par Claude Loxhay
Manolo Cabras (Cagliari, 1971)
En fait, après avoir étudié la contrebasse en Italie, notamment avec Atilio Zanchi, je suis d’abord allé aux Pays=Bas en 1995, à La Haye, suivre des cours avec Hein Van De Geyn. En Hollande, il y avait des possibilités de gigs et de rencontres. J’ai fait la connaissance de Marek Patrman qui m’a permis de rencontrer Erik Vermeulen, avec qui j’ai joué en trio; puis Ben Sluijs et Jeroen Van Herzeele. On a beaucoup joué ensemble et enregistré plusieurs disques. Je me suis finalement installé à Bruxelles en 2003. On y rencontre beaucoup de musiciens, j’ai ainsi croisé Manu Hermia, Joao Lobo ou Jean=Paul Estiévenart. J’ai formé Basic Borg avec Lynn Cassiers et le saxophoniste italien Ricardo Luppi. Depuis la Belgique, on peut très vite se déplacer à travers l’Europe.
Nicola Lancerotti (Padoue, 1975)
J’ai d’abord étudié la contrebasse en Italie avec Paolino Dalla Porta et Pietro Leveratto. Je me suis retrouvé en Belgique presque par hasard, ma destination initiale étant le Conservatoire de La Haye. Pour des raisons sentimentales et financières, mon couple a décidé, à l’époque, de s’installer plutôt en Belgique et je suis entré au Conservatoire de Bruxelles. La scène bruxelloise, dont je fais partie, est de plus en plus intéressante. Il y en a vraiment pour tous les goûts: tradition, swing, impro, modern jazz. Ce qui fait que le milieu est très riche. Le seul problème est que la scène est surpeuplée par rapport aux possibilités de performances. En gros, beaucoup de musiciens mais pas assez de lieux pour que tout le monde puisse s’exprimer. Aussi, il manque des lieux qui aient le courage d’offrir plus de musique hors du commun, improvisée et expérimentale.
Giovanni Di Domenico (Roma 1977)
Je me suis installé à Bruxelles après avoir fini mes études au Conservatoire Royal de La Haye. Je voulais quitter la Hollande or il y avait des amis comme Manolo Cabras ou Lynn Cassiers qui vivaient déjà à Bruxelles. Ils m’ont convaincu de les rejoindre: la scène était très active à ce moment=là, soit entre 2006 et 2007. J’aime la ville, j’y suis resté. Bien sûr, actuellement, je joue encore du jazz, dans le sens le plus large du mot, mais je ne me sens pas comme faisant vraiment partie de la scène jazz belge, que d’ailleurs je n’aime pas tellement, la trouvant trop autoréférentielle et mainstream. Je trouve que je n’ai rien à donner en tant qu’Italien en musique, dans le sens où je ne crois pas à un apport basé sur les différences culturelles de chacun. La musique est, pour moi, universelle et va bien au=delà des cultures.
Daniele Martini (Rome, 1977)
Comme Manolo, j’ai d’abord gagné les Pays=Bas pour y étudier. Mais je n’aimais pas trop l’atmosphère hollandaise et j’ai gagné Bruxelles comme Manolo avec qui j’ai formé un quartet. J’ai aussi retrouvé d’autres musiciens italiens, comme Nicola Lancerotti pour le groupe Skin ou Giovanni Di Domenico. J’ai pu aussi croiser le batteur portugais Joao Lobo qui fait partie de mon quartet, avec Bram De Looze au piano.
Nicola Andrioli (Brindisi 1977)
Avant d’être adopté par la Belgique, j’ai vécu cinq ans à Paris et j’ai suivi une formation en jazz et musique improvisée au Conservatoire de Paris. Au moment de ma dernière année, j’ai décidé de faire l’expérience Erasmus au Conservatoire de Bruxelles pour rencontrer et étudier avec Diederik Wissels que j’estime beaucoup. Ici en Belgique, le jazz a une histoire très enracinée: il faudrait citer tous les grands jazzmen belges, comme Toots, Bobby Jaspar ou Philip Catherine. Cette empreinte, je la retrouve,de manière subtile et à la fois spontanée, dans l’attitude des nouvelles générations de jazzmen. Cela se traduit concrètement dans le plaisir d’expérimentation et de recherche personnelle, avec une attitude de très haut niveau et rarement prétentieuse. Je pense que cette attitude dans l’échange, avec une critique constructive, c’est la force de ce pays, un petit/grand pays qui reste jeune dans son esprit et qui soutient sa collectivité d’artistes.
Giuseppe Millaci (Caltonissetta, 1988)
Je vis en Belgique depuis l’âge de 12 ans. La recherche d’un meilleur avenir a incité mon départ de la Sicile vers la Belgique. Je viens d’un petit village où le métier de musicien n’existe pas mais, je vous assure que des musiciens, il y en a un paquet. J’ai vécu la plus grande partie de ma vie à Bruxelles et, naturellement, je me considère comme étant belge malgré mon patronyme. Il y a de plus en plus de musiciens de jazz en Belgique et donc de plus en plus de concurrence, cela hausse le niveau. Etant fraîchement dans le milieu de la production, avec le label Hypnote, je suis sans cesse en contact avec de nombreux artistes qui s’installent ou sont de passage en Belgique. Ils viennent de tous horizons: Français, Espagnols, Italiens et de différents pays africains.Sans aucun doute, ce métissage a enrichi la scène jazz en Belgique ces dernières années.
Concerts
N.Andrioli
23 avril, Bruxelles Théâtre Marni, The Lonious Quartet
1 mai, Festival Tournai, P. Catherine quintet
14 mai, Liège, Mithra, J.P. Estiévenart
M. Cabras – D. Martini
2 avril, Gand SMAK
G.Millaci -Vogue Trio
1/4, Liège, Pelzer
3/4, Comines
4/4, Eupen
8/4, Lasne
30/4, Rossignol
Discographie sélective
N. Andrioli: Philip CatherineQuartet (Côté jardin), duo avec Barbara Wiernik (Complicity), quartet avec la chanteuse italienne Serena Spedicato (The shining of things)
F. Bianchini: Le Voyage, Sound of beauty (avec N. Andrioli)
M. Cabras: Melys in Diotta (quartet avec JP Estiévenart), Basic Borg (I wouldn’t be sure, avec Lynn Cassiers et le saxophoniste italien Ricardo Luppi)
G. Di Domenico: Zuppa di pazienza
N. Lancerotti: Skin, Lux (en quartetavec Daniele Martini et Jordi Grognard), Zola Quartet
D. Martini: Impermanent (quartet avec Bram De Looze, Manolo Cabras, Joao Lobo)
G. Millaci: Vogue trio (Songbook, Endless Way)