Liva Dumpe : Tälsksatis
Le titre de cet album signifie « monoculaire » en letton. Une autre façon d’observer certaines choses. La chanteuse pianiste (+ synthés) a composé ce morceau après avoir passé une nuit dans la campagne en compagnie de son grand-père, tous deux observant la vie sauvage de la région baltique. Elle évoque aussi un rituel du soir sans nous en dire plus. Quittant la Lettonie, elle s’installe en Hollande et étudie la musique au Conservatoire d’Amsterdam et demande à des amis proches, connus durant ses études, de devenir ses collaborateurs. L’entourent donc flûte, guitare, contrebasse et batterie. Régie par l’improvisation, l’expérimentation, la musique de Liva Dumpe est un jazz vocal léger, chanté en letton ou en anglais, d’une voie douce et qui jette des ponts entre une nostalgie pour des sonorités puisées dans ses racines lettonnes et la découverte d’autres émotions musicales connues en s’expatriant. Il y a de la mélancolie, une certaine naïveté dans ce jazz contemporain atypique sur lequel la flûte est très présente tout comme le piano et les notes d’une guitare jazzy mais aussi des textures électroniques, un peu de groove et d’harmonies. Mais c’est souvent une musique intrigante, inattendue, notamment via un spoken word et de nombreuses vocalises, qui nous est proposée. Une musique dont les textes résonnent de cris contemporains. La frustration des femmes via une reprise d’un texte d’Eartha Kitt (« Compromise ») sur lequel elle a composé une nouvelle musique et surtout cette trilogie « Fight Mini-Symphony » écrite dans le premier mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Se souvenant que dans un passé, pas si lointain, son pays fut aussi occupé par les mêmes ! Tous ces sentiments, ces troubles l’ont certainement influencée pour produire une musique autre, différente, qui repousse certains pans du jazz en s’aventurant dans l’expérimentation, créant des brèches, des passages. Parfois âpres.