Lucas Niggli Sound of Serendipity Tentet : Play!
À l’écoute du premier mouvement d’ouverture, un mot me vient à l’esprit : jubilation. Étymologiquement, le terme renvoie à la fois aux cris, aux chants, au retentissement de musiques exprimant la louange, la joie expansive, le triomphe. Comment effectivement ne pas voir dans le titre de ce disque, « Play! », à la fois une injonction à jubiler et l’affirmation de l’acte de jouer ensemble comme credo ramené à sa plus simple expression ? Le nom de Lucas Niggli n’était plus revenu dans nos pages depuis longtemps. Au gré des ans, on l’a entendu comme batteur/percussionniste au sein de diverses formations (Steamboat Switzerland, Zoom, Big Zoom, Le Miroir du Temps…) Cet ambitieux projet en tentet est l’occasion de nous le remémorer. Si Niggli en assume – et en assure – la paternité, l’originalité de la démarche tient dans le fait que chacun, chacune (à deux exceptions près) au sein de l’ensemble prend le relais pour occuper temporairement la place conducteur / conductrice. Chaque mouvement – il y en a donc huit en tout – s’enchaîne à un autre sans réel répit. Mais aussi sans que celui que l’on écoute ne nous donne la moindre clé sur celui qui lui succédera. « Play! » apparaît comme un jeu de cartes où chaque joueur abat la sienne au moment qu’il choisira, sans en avertir les autres, mais sans les compromettre pour autant. Quasiment chaque mouvement met en avant un ou une soliste, mais aussi une personne qui se tient en retrait, dans l’ombre, mais dont l’intervention donne une impulsion majeure au morceau. La force du disque tient dans cet équilibre à la fois rythmique et mélodique, improvisé et compositionnel.
Pour s’entourer, Niggli a fait appel à des connaissances plus ou moins proches, en veillant à respecter une stricte parité des genres. Chez les femmes figurent l’époustouflante (au sens premier et propre du terme) Joana Maria Aderi à la voix et à l’électronique, la saxophoniste ténor Silke Strahl, la flûtiste Marina Tantanozi, la violoniste Helena Winkelman et l’accordéoniste Tizia Zimmermann. Chez les hommes, on retrouve l’organiste (Hammond) Dominik Blum, le tubiste Mark Unternährer, le contrebassiste Christian Weber et le batteur Peter Conradin Zumthor. Au final, il n’y a ni maître ni gagnant dans cette équipe qui se joue du jeu plus encore que de le jouer.