
Manolo Cabras : Fuzzy
Voici une nouvelle initiative « électro-acoustique » du bassiste Manolo Cabras, entouré d’un certain nombre de musiciens proches, notamment la chanteuse Lynn Cassiers, le saxophoniste Jordi Grognard, le claviériste Giovanni Di Domenico et le batteur João Lobo. Le point de départ est l’improvisation collective autour de paramètres non conventionnels fournis par Cabras, qui a assuré les compositions. Il est frappant de constater qu’il n’utilise pas de contrebasse, mais une basse électrique. Le morceau d’ouverture « C.W. » baigne dans une atmosphère bluesy, avec en toile de fond la voix typique manipulée de Lynn Cassiers. La combinaison du Fender Rhodes, de la basse électrique, du saxophone, des instruments électroniques et de la batterie donne naissance à une palette sonore sur mesure. Cassiers a écrit les paroles, comme pour toutes les chansons. Pas d’histoires prêtes à l’écoute avec un refrain, mais des « déclarations » pénétrantes comme ce « C.W. » qui fait référence aux « children of war ». « Improbabile » a une légère touche funky grâce à des motifs répétitifs de « drum-n-bass », mais transposés dans un décor de science-fiction. Des effets bizarres créent une atmosphère terrifiante. La structure est basée sur des polyrythmes groovy, mais chacun joue selon un motif métronomique différent. A ce sujet, Cabras admet que l’harmolodie d’Ornette Coleman a été une source d’inspiration. Dans « Temino », ils associent des interprétations précises et minutieuses de l’espace et du silence au style vocal caractéristique et planant de Cassiers. Peu à peu, cependant, tout penche à nouveau vers une coloration inquiétante et perturbante. Un scénario qui se retrouve également dans « Speedy Gonzales », avec le saxophoniste Grognard comme principal perturbateur. Dans « Blurp (The Lucky Dog) », le quintette se montre sous son jour le plus expérimental et avant-gardiste. Un enchevêtrement d’interactions instrumentales et vocales. Les juxtapositions sont omniprésentes, car « Andale », qui peut se traduire librement par « dépêchez-vous », est une esquisse plutôt fragmentaire de lignes pointillées dans laquelle Grognard et Cabras ancrent les différents segments et les autres musiciens complètent le modèle. « Impronte » (tout comme « Improbabile ») est en grande partie une pure improvisation et leur technique personnalisée sert de fil conducteur pour guider l’auditeur à travers leur labyrinthe. Ne vous attendez toutefois pas à des indications précises en référence au titre. Il s’agit d’instructions de type sudoku. Bravo à ceux qui trouveront sans difficulté la sortie. C’est à peu près le point culminant du CD et en même temps la vitrine appropriée pour le groupe. Ils clôturent avec le morceau remarquablement serein et presque mystique « Bradip », qui fait référence à l’espèce animale du même nom. « Fuzzy » est le résultat (partiel) d’une résidence à Werkplaats Walter (Bruxelles). La créativité et l’ambiguïté ont primé. Les enregistrements ont finalement eu lieu à La Conserve, avec Cyrille Obermüller aux commandes, tandis que Cabras s’est chargé du mixage et du mastering. Sorti chez le label portugais Robalo, qui a déjà publié des œuvres de Phil Minton, Adèle Viret, Samuel Ber et Tony Malaby, entre autres.
Une collaboration Jazz’halo / JazzMania