Manu Champagne, Damien Chierici & Didier Laloy : Folk Nevermind

Manu Champagne, Damien Chierici & Didier Laloy : Folk Nevermind

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Régulièrement, nous avons une pensée pour Kurt Cobain, la plus torturée des figures emblématiques que le rock ait connue. Rattrapé par le succès planétaire d’un tube inattendu et non souhaité (« Smells Like Teen Spirit », la pire chose qui pouvait lui arriver), le leader de Nirvana se sera lentement noyé dans ses propres doutes avant de mettre fin lui-même au naufrage existentiel qui le rongeait. Dépressif car perclus de douleurs chroniques à l’estomac, et héroïnomane par dépit médical (bref, la quadrature du cercle…), Cobain hurlait son désarroi comme on pleure pour échapper à une rage de dents tenace… Entendre cette souffrance, c’est déjà lui rendre hommage.

« Reprendre » la musique de Nirvana telle quelle a peu de sens (du moins sur disque). La réadapter pour l’engager vers les chemins sinueux du jazz comporte de sacrés risques, même si The Bad Plus s’y est déjà risqué avec talent. Quant à l’adaptation de ce vacarme en version acoustique, rappelons que le groupe Nirvana s’en est chargé lui-même à l’occasion d’un « Unplugged in New York » vendu à quelques millions d’exemplaires. Au passage, rappelons également que « Where Did You Sleep Last Night » (magnifique version ici, en valse triste) et « The Man Who Sold the World » ne sont pas des chansons de Nirvana (ce qui est d’ailleurs précisé sur la pochette). On les doit respectivement au bluesman américain Lead Belly et à Bowie, deux titres qui ont connu une version de Nirvana que l’on retrouve sur le fameux « Unplugged »… Fin de la parenthèse.

Plutôt que d’opter pour une voie sans issue, le trio Folk Nevermind a réadapté ce répertoire (parfois de façon inattendue – « Something in the Way ») sans toucher aux harmonies, mais en modifiant radicalement les arrangements. Si certains titres perdent en densité (« Smells Like Teen Spirits » – une reprise néanmoins très réussie), le trio s’est attaché pour chacun à mettre en évidence les mélodies bien ficelées du groupe (on aurait tendance à l’oublier). Les arrangements instrumentaux de Didier Laloy (accordéon diatonique, faut-il encore le présenter ?) et de Damien Chierici (violoniste au sein du groupe Dan San) offrent à ces chansons une version inédite (on frise parfois le musette…) soutenue par la guitare discrète mais surtout par la voix rocailleuse de Manu Champagne qui convient parfaitement pour cet exercice.

« Folk Nevermind » ne bousculera pas les fans de Nirvana, mais pourrait par contre titiller la curiosité de ceux qui ont refusé d’entrer dans l’univers « Nirvana » à l’époque, ces chansons fortes soutenues par des mélodies fortes. Un univers qui a rassemblé autour des mêmes combats et des mêmes compromis, Américains, Européens, riches ou pauvres, rockers grisonnants et leurs propres enfants. Un univers qui a rassemblé ici trois musiciens talentueux autour d’un bel état d’esprit.

Quelques dates de la tournée « Folk Nevermind » : le 19 mai au Centre culturel d’Eghezée, le 3 juin à l’An Vert (Liège), le 27 août au Centre culturel de Rixensart, le 10 septembre à Gelbressée et le 17 décembre à la Halle du Bouillon Blanc (Bouillon).

Yves Tassin