Martin Salemi en pleine lumière
Son nouvel album change la donne : du trio, le pianiste passe au quintet, et c’est une très belle réussite. Entretien.
«L’idée du quintet était de vivre quelque chose qui nous fasse sortir d’une zone de confort.»
Bonjour Martin, tu viens de deux albums en trio, et voici « Daylight » en quintet. L’envie vient d’où ?
Martin Salemi : J’ai eu deux ou trois concerts avec Sylvain (Debaisieux), notamment lors du Jazz Week-End sur la Grand-Place à Bruxelles, et ça s’était bien passé, ça m’a donné l’envie d’enregistrer. On a appelé Lorenzo Di Maio à la guitare pour l’enregistrement. Du coup, on n’a presque pas joué à cinq avant le studio. J’ai trouvé ça intéressant d’amener ce nouvel élément juste avant le studio pour avoir une fraîcheur en plus. Après avoir enregistré deux albums avec le trio et avoir beaucoup tourné, jusqu’au Japon, ça devenait tout de suite autre chose avec le sax et surtout la guitare de Lorenzo avec qui on n’avait pas joué avant. L’idée était aussi d’avoir quelque chose qui nous faisait sortir d’une zone de confort.
Il y a une référence à Keith Jarrett sur le premier morceau, mais pas du trio, plutôt de son quartet américain avec Dewey Redman.
M.S. : C’est en effet le quartet américain, mais aussi l’européen avec Jan Garbarek. Le premier morceau est un hommage à ces albums avec « My Song », « Country », « As Long as You Know… »… Ces compositions que j’adore. Le reste de l’album est différent.
Le guitariste est là pour que ça sonne différent.
M.S. : Oui, je n’avais pas envie de sonner comme un « tribute », donc Lorenzo avec ses sonorités à la Scofield amène du groove, très électrique.
« The Long Run » me semble avoir été écrit en fonction des interventions des solistes.
M.S. : Je ne sais pas trop… Mais effectivement, c’est le genre de morceau où il n’est pas évident de sortir de cette forme-là. Il y a des morceaux où la composition et la forme peuvent être tout à fait différentes. « The Long Run » a un format un peu plus « pop » dans l’approche, c’est le genre de composition où la forme fait un peu partie de la composition; l’inspiration vient plutôt de Aaron Parks et de groupes qui empruntent au rock progressif, dont les structures et les formes font partie des compositions.
« Midnight Rider » est dans le même esprit ?
M.S. : C’est de nouveau un morceau où la forme est plus malléable. C’est une forme assez classique, avec un côté western qu’apporte la guitare. J’avais d’abord choisi un autre titre pour ce morceau et puis, lorsqu’on l’a fait en studio, je trouvais que le nom ne correspondait plus à l’ambiance que l’on trouvait pendant l’enregistrement. Donc j’ai changé le titre.
On sent une ambiance plus américaine…
M.S. : Le côté « Americana », tout à fait. Il y a une volonté en invitant Lorenzo à aller vers son type de jeu, l’« Americana », et en apportant aussi le Fender Rhodes, il y a une volonté d’amener un son comme ça, avec des accents soul et un peu gospel.
L’apport du Fender est assez nouveau pour toi ?
M.S. : Le Rhodes est un instrument qui m’accompagne depuis beaucoup d’années dans d’autres projets, mais je le prends aussi de temps en temps en concert, là où il n’y a pas de piano acoustique ; je préfère ça au piano électrique. La sonorité vintage me plaît beaucoup et j’avais envie d’amener cette facette de moi avec le Rhodes et les synthés.
«Quand je le compose, le morceau ne m’appartient plus. Il peut être joué de façon différente par d’autres.»
« Lost Railways » met en avant les unissons sax-guitare qu’on retrouve aussi dans d’autres morceaux.
M.S. : C’est quelque chose qui revient dans l’album. Ce n’est pas quelque chose que j’ai conscientisé dès le départ, c’est venu en jouant. Le côté unisson marche assez bien, Sylvain et Lorenzo s’arrangent vraiment bien sur les morceaux.
« Jumping Fish » est un petit flash de 49 secondes : peux-tu expliquer cette démarche ?
M.S. : Au départ, c’était un morceau comme les autres avec des solos, solo de batterie aussi, et un solo de basse. Et puis, lors du mixage, j’ai trouvé qu’un truc plus court, comme une parenthèse, allait être quelque chose qui allait se détacher du reste. J’aime bien les albums où un morceau très court vient donner un autre rythme à l’écoute. J’ai vraiment essayé de composer l’album avec un début et une fin.
Il y a trois reprises des albums en trio : « Doubt », « Regina », et « Late April »
M.S. : J’écris souvent des morceaux qui n’ont pas d’arrangements au départ. Quand je compose, le morceau ne m’appartient plus, il peut être joué de façon très différente par d’autres, la musique a une autre vie. C’est un côté qui m’excite beaucoup d’écrire des morceaux qui peuvent avoir une autre vie que celle à laquelle on a pensé au départ. Je trouve chouette de revisiter mes propres thèmes ; j’aime beaucoup Charlie Haden, c’est quelqu’un qui reprend aussi indéfiniment ses compositions qui sont chaque fois différentes. Voir ce que d’autres musiciens peuvent sortir de mes compos est quelque chose qui m’intéresse.
Concernant Haden, l’esprit dans lequel tu joues est aussi proche de Rubalcaba qui a beaucoup joué avec le contrebassiste.
M.S. : Oui, c’est gentil de dire ça. C’est une référence, même plus, un monument. Il y a le côté aérien ou parfois noir dans son jeu. C’est quelque chose que j’essaie de ressentir. « Nocturne » est un disque que j’ai beaucoup écouté.
Les dates de la tournée :
• Le 30 novembre : Centre Culturel de Mouscron
• Le 4 décembre : Le Rideau Rouge à Lasnes
• Le 5 décembre : Centre Culturel de Libramont
• Le 6 décembre : Open Music Club à Comines
• Le 7 décembre : L’an Vert à Liège
• Le 8 décembre : Le Relais jazz à Tourinne-la Grosse
• Le 13 décembre au Jazz9 de Mazy
• Le 14 décembre au Jünglingshaus d’Eupen
• Le 20 janvier 2025 au Blanc Cailloux à Braine L’Alleud
Martin Salemi
Daylight
Igloo