Pierrick Pedron : The Shape of Jazz to Come

Pierrick Pedron : The Shape of Jazz to Come

Continuo Jazz

Revisiter un album de l’histoire du jazz, un manifeste du free jazz d’Ornette Coleman, fallait oser. C’est ce que le quartet du saxophoniste Pierrick Pedron réussit avec brio. On se souvient chez nous de sa participation au quartet de Greg Houben (« Greg Houben Meets Pierrick Pedron », sur Plus Loin Music, 2010) ; depuis, le saxophoniste alto s’est révélé comme un des maîtres de l’alto, avec de nombreux concerts aux USA et au Japon, et des productions marquantes, comme l’hommage à Monk chez ACT. Une couverture qui rappelle celle de l’album du quartet de 1959, un répertoire qui respecte l’ordre des titres de l’album d’origine, pour qui ne connaît pas les musiciens réunis ici, ça peut paraître « cover band » de mauvais goût, ou resucée en manque d’inspiration. C’est ne pas connaître les fantastiques musiciens de ce quartet : Carl Henri Morisset au piano – dont on ne dira pas qu’il remplace Don Cherry, mais offre de nouvelles ouvertures harmoniques aux compositions de Coleman -, Thomas Bramerie, contrebassiste majeur de la scène française (et d’Eric Legnini en passant) et Elie-Martin Charrière, une découverte pour moi. D’entrée, il fallait changer les couleurs de « Lonely Woman », y conserver certes une sonorité à la Ornette par moments, mais nous remettre les idées mélodiques judicieusement en place. « Eventually » démarre en trombe, virtuose et sans concession avant l’interlude façon piano stride de Carl-Henri Morisset qui enchaîne sur un solo décapant drivé par un décoiffant Elie Martin-Charrière à la batterie. Intensité de tous les instants avec quelques moments absolument décoiffants, comme le solo de Morisset sur « Congeniality ». Alors des disques qui revivent l’Histoire du jazz de cette façon, on en redemande !

Jean-Pierre Goffin