Michel Mainil : José Bedeur, Memories of You
Les cent vies (et plus) de José Bedeur… « Memories of You », écrit par son ami Michel Mainil, est l’occasion de retracer le parcours d’un Hutois pas comme les autres et dont la vie est un véritable roman. C’est au Conservatoire de Huy que José Bedeur débute le violoncelle, non par goût, mais parce que, dit-il, « Il n’y avait plus de place au piano et au violon ». Cinq années de solfège et dix de violoncelle avant que José ne découvre le jazz, la musique à la mode à l’époque. Les musiciens manquaient et l’engouement pour la note bleue correspondait bien au caractère du désormais contrebassiste. Il allait débuter avec une contrebasse accordée comme… un violoncelle. Dans sa ville natale, il va fonder des groupes comme les « Daltoniens » ou le « Melody Swing », avant d’emporter le concours de Dinant, celui de meilleur contrebassiste à Namur, et de participer à la création du « Jazz Club de Huy » avec, entre autres, ses amis Jacques Discry et René Risac. Le club recevra, notamment et excusez du peu : Martial Solal, Claude Bolling, René Urtreger, Beb Guerin, et tous les Liégeois, Thomas Jaspar, Pelzer… Sans oublier Don Byas pour le bal du club ! José Bedeur joue un peu partout en Belgique, du jazz mais aussi de la variété dans des orchestres de danse qui animent les casinos de Middelkerke et de Dinant où il accompagne un jour un jeune chanteur qui cherchait à se faire connaître : Jacques Brel ! Et puis c’est l’Espagne où, à côté de nombreux concerts, il devient agent pour une firme de cordes, une des nombreuses… cordes à son arc.
Dans les années 60, ce sont les grands festivals : Comblain, Antibes, Prague… José Bedeur accompagne les Américains de passage. Personnage qui a du mal à tenir sur des rails, et en pleine « crise mystique » (sic), José Bedeur sera enseignant dans les années septante (il avait dans sa jeunesse obtenu le diplôme de professeur de langues modernes) après avoir fait la manche sur les ponts de Liège avec son ami-pianiste Jean-Marie Troisfontaine. Il découvre aussi les valeurs du bouddhisme qu’il pratique toujours aujourd’hui. Convaincu des valeurs du monde ouvrier, il travaille même dans les mines du Limbourg, sans pour autant se détourner des arts qui le turlupinent : peinture, sculpture, littérature, surréalisme… Avec Charles Loos, il revient à ses amours pour le jazz et fait encore aujourd’hui le bonheur de pas mal de formations, dont celle de son ami saxophoniste et auteur de ce réjouissant livre : Michel Mainil.
On ne va pas vous conter les 250 pages de cet ouvrage. D’anecdotes, de témoignages riches en émotion, d’histoires savoureuses racontées par José en personne, le livre en regorge. Car José Bedeur n’est pas avare de bons mots, de truculence dans le verbe, de bon sens comme de non-sens, de malice et de dérision, slalomant entre surréalisme et sentences terre-à-terre. On s’amuse beaucoup à la lecture de ce portrait où les sujets se bousculent, passant du free jazz à la variété française (savoureuses réflexions au départ de sept titres de chansons), de Mai 68 à l’Espagne de Franco, des cours de langues (José Bedeur en a enseignées cinq et en pratique bien plus) aux mines de Bilzen. Riche de pensées profondes ou superficielles, on passe de la réflexion sociologique sur le jazz au bouddhisme et à un intéressant passage sur l’audio-psycho-phonologie, science qu’il a étudiée à Paris. Et puis il y a les témoins, une quinzaine de textes. Entre souvenirs de New York, de Suède ou de Chine – un étonnant voyage en 1980 – on ne se lasse pas des aventures de José « Debeur », pardon Bedeur.
Michel Mainil
José Bedeur, Memories of You
Bossa Flor Editions
250 pages
ISBN : 978-2-9602125-6-3
Commande via michel.mainil@gmail.com ou le site www.michelmainil.be