Nathalie Loriers, Tineke Postma et Nic Thys : Le temps retrouvé
Après avoir enregistré ses premiers albums pour le label Igloo (« Nymphéas » dès 1991, « Dance or Die », puis « Walking Through Walls » en 95), Nathalie Loriers a été produite par le label brugeois WERF, à l’invitation de Rik Bevernage. Ce fut d’abord le cas pour l’album « Tombouctou », gravé en sextet dans le cadre du coffret « The Finest in Belgian Jazz », conçu à l’occasion de la célébration de Bruges Capitale européenne de la Culture en 2002. Ont suivi six albums, dont les deux premiers du trio avec la saxophoniste néerlandaise Tineke Postma : « Le Peuple des silencieux » enregistré live au Gaume Jazz Festival en 2013 et « We Will Really Meet Again » en 2016. Voici que sort le troisième opus de ce trio enregistré comme le précédent par Daniel Léon, dans la salle philharmonique de Liège, avec l’assurance de bénéficier d’un excellent piano. « Le temps retrouvé » sonne comme un espoir proustien, celui de sortir de notre période de « temps perdu ». La complicité entre les deux musiciennes est totale, totalement empathique comme le montrent les photos du livret de « We Will Really Meet Again ». Il est vrai que chacune est riche d’un fabuleux parcours. La Namuroise, en une trentaine d’années de carrière, a pu côtoyer Lee Konitz, Frank Vaganée, Laurent Blondiau, Kurt Van Herck, Jeroen Van Herzeele, Ben Sluijs, Jean-François Prins, Toots, David Linx ou encore le saxophoniste italien Emanuele Cisi et Aldo Romano (album « L’ange caché »). Par ailleurs, au travers de sa participation au Brussels Jazz Orchestra, elle a croisé Joe Lovano, Dave Liebman, Maria Joao, Bert Joris ou Tutu Puoane. Comme Enrico Pieranunzi qu’elle admire, elle allie parfaitement une grande sensibilité mélodique et une parfaite fluidité rythmique. De son côté, Tineke Postma a enregistré avec Greg Osby, Ralph Alessi, Terri Lyne Carrington, Geri Allen, Chris Davis et Rob Van Bavel. A l’alto comme au soprano, elle fait preuve d’une parfaite limpidité dans la sonorité et d’un sens aigu du groove. Quant au troisième membre du trio, le contrebassiste Nic Thys, il allie sensibilité mélodique (à l’image d’un Scott La Faro) et parfaite rondeur du son (à l’image de Charlie Haden).
Au répertoire, huit compositions originales et un arrangement très personnel de « Round Midnight » : une longue intro de piano en pleine exploration improvisée, suivie par la contrebasse puis par l’alto qui expose le célèbre thème sur la trame harmonique du piano. L’album s’ouvre sur le titre éponyme, tout en retenue et sensibilité à fleur de peau. « Shanti » (« paix, félicité » en sanskrit) est dédié à la mémoire de Rik Bevernage, un témoignage d’une grande amitié. Joué en trio en plage n°6, la mélodie gonflée d’émotion retenue est reprise en solo en fin d’album. Plusieurs thèmes sont par ailleurs inspirés par un éventail de vents : « Zéphirs », avec sa belle intro de contrebasse, évoque une envolée de vents tourbillonnants, « Alizés » propose une atmosphère plus paisible tandis que « Rafales », avec son intro de saxophone, permet de retrouver un tempo plus vif. « Rebirth », « After » et « Jaane do » complètent ce pastel de couleurs tout en nuances. Un album parfaitement équilibré.