OM : It’s about time
On ignore souvent ce qui pousse des musiciens à reformer le groupe de leur jeunesse. Toujours est-il que les Suisses de OM nous proposent un nouvel album, près de quarante ans après le dernier. Entre 1972 et 1982, le quatuor de Lucerne (le guitariste Christy Doran est irlandais mais basé en Suisse) a publié cinq albums. Puis ses membres ont exploré d’autres horizons. OM, c’est la réunion de quatre instrumentistes : saxophone, guitare électrique, double basse et batterie, plus une kyrielle de percussions et d’effets électroniques. Tout cela au service d’un free jazz biberonné au rock fusion d’Hendrix (cette guitare sur « Perpetual-Motion Food » !) et à l’improvisation de Coltrane (ce sax partout !). Le groupe décrit sa musique comme « ElectroAcousticCore », ce qui ne vous facilitera pas trop la tâche ! C’est vrai que leur jazz contemporain est peu conventionnel. On écoute cette musique comme un périple. Elle vous assène de la noise, puis vous calme avec des moments suspendus. On passe de la tension à l’accalmie. Les compositions / improvisations sont très complexes, à un point tel qu’au fil des écoutes successives, nous découvrons des choses nouvelles, des sons larvés. Certains penseront que ces morceaux sont très difficiles à pénétrer, mais l’effort, l’attention que vous leur porterez changera peut être votre opinion, même s’il est évident que vous devrez vous isoler, faire le vide autour de vous, écouter ceci au casque… Sans cette forme de mise en abîme, ces collages, ces suites de sons incongrus, ces bruits, ces peaux de batterie frappées par des cymbales, vous laisseront de marbre. Ce serait dommage, vous ne profiteriez pas de cette ligne de basse assez unique sur « Fragments » ou de cette batterie qui imprime une rythmique puissante à « Like A Lake » ou « Covid-19 Blues ». Cette musique radicale est aussi un signe de liberté pour ces quatre musiciens qui évoluent sans contrainte et avec une complicité intacte pour ces retrouvailles. Je vous livre aussi d’autres mots qui me viennent spontanément, en pleine minutieuse écoute : sonique, abstraite, électronique, minimaliste, bruitiste, énergique. Juste pour qualifier d’infimes moments dans ce magma étourdissant. Et jouissif pour tous ceux qui veulent bien s’y abandonner pendant une heure.
Claudy Jalet