Pauline Leblond : le «Double Quartet», «une formule pas de tout repos»

Pauline Leblond : le «Double Quartet», «une formule pas de tout repos»

Pauline Leblond © Didier Wagner

Après le concert magnifique du Double Quartet + 2 de Pauline Leblond à Dinant, voici un court entretien avec la trompettiste-bugliste originaire de Nantes et aujourd’hui installée en Belgique.

De quand date l’idée de cet ensemble élargi ?
Pauline Leblond : On a fait la création au Brosella en 2021, une carte blanche que le festival m’avait offerte. J’ai repris mon double quartet que j’ai augmenté de deux invités, Thimoté Lemaire et Mathieu Najean.

Pourquoi vouloir augmenter avec deux souffleurs ?
P.L. : Disons que j’aime beaucoup jouer avec sax et trombone, ç’est-à-dire une section rythmique et les trois souffleurs devant ; de plus, je connais vraiment bien Thimoté et Mathieu, on partage l’amour pour la musique swing, New Orleans, on aime aussi improviser de façon collective.

On retrouve tout ça dans l’album. Vous avez parlé de « voyage » à propos de cette musique ; j’y vois aussi un côté cinématographique.
P.L. : Oui, on me l’a souvent dit et je le prends comme un beau compliment.

Le Quartet © Didier Wagner

Je dirais même que sur « Brassade », j’entends une musique de film de Woody Allen, un peu old jazz revue aux couleurs d’aujourd’hui. Vous composez avec des images en tête ?
P.L. : Non, j’entends surtout un ballet de sons, des timbres, je ne visualise pas des images.

Je vois par exemple des images de dessin animé sur le premier titre…
P.L. : Oui, j’arrive à le voir aussi, mais ce n’est pas en composant que ça se passe, c’est plutôt que ça me traverse l’esprit en jouant. D’ailleurs, la musique de film m’intéresse beaucoup, l’image, le mouvement, j’aimerais beaucoup faire ça. Aussi dans ma musique, il y a quelque chose de l’ordre du second degré, de passage, quelque chose d’amusant. Sur « La Gavotte » par exemple il y a quelque chose d’un peu ridicule même, très simple, baroque aussi ; j’aime bien m’amuser. Sur « Snowflakes » aussi…

On sent que ce sont des compositions de plaisir.
P.L. : Oui, tout à fait, et si je devais mettre des images là-dessus, je verrais bien un dessin animé avec un chien qui tombe, par exemple… une musique un peu gag.

«Il y a une histoire du premier au dernier morceau, une histoire de l’oubli.»

Vous jouez le concert dans le même ordre que l’album.
P.L. : C’est tout à fait ça, il y a une histoire, il y a les mots de Pablo Neruda, on peut comprendre la musique avec les mots de Pablo Neruda. Clairement, il y a une histoire du premier au dernier morceau, une histoire de l’oubli, le titre de l’album peut paraître étrange, c’est mon histoire musicale de l’oubli, et ça n’aurait pas de sens de les jouer dans un autre ordre.

Le poème est un peu le moteur de l’album ?
P.L. : En tout cas, c’est celui qui a donné le titre de l’album ; à un moment dans ma vie, où j’ai dû digérer et extérioriser des choses, c’est comme ça que ça s’est fait, un récit avec un début et une fin.

Pauline Leblond © Didier Wagner

L’idée du Double Quartet vient-elle de réminiscence du jazz ; avez-vous, par exemple, pensé au double quartet de Max Roach ?
P.L. : Pas vraiment dans l’histoire du jazz. En tout cas, ce n’est pas ça qui m’a inspirée. Par contre, j’ai une éducation de musique classique, de trompette classique, j’ai eu des cours d’écriture au Conservatoire de Nantes, des cours d’écriture baroque. Ça m’a beaucoup influencé, c’est proche du langage jazz, juste la façon de jouer est différente, mais le matériau est assez proche. Je me suis surtout inspirée du côté classique, du quatuor à cordes, je voulais cette formule avec un quartet jazz ; ce n’est pas de tout repos, c’est un challenge acoustique avec la batterie, la trompette. Avec des cordes aussi ça ne fait pas bon ménage, la méthodologie de travail n’est pas la même. Donc, c’est plutôt l’intégration du quatuor à cordes qui m’intéressait, j’ai plus écouté du Haydn, du Chostakovitch ou du Bartok que des quartets de jazz, ça m’a vraiment plu d’analyser tout ce qui avait dans cette musique.

«Je n’écris pas des trucs super simples, Toutes les personnes du groupe ont des petits challenges personnels.»

Faire sonner un quatuor à cordes à côté d’un trombone, d’un sax ténor et d’une trompette c’est plutôt délicat…
P.L. : C’est difficile à faire sonner, difficile qu’on entende tout le monde et des mauvaises conditions de concert peuvent ruiner le concert et le plaisir qu’on en tire. Pendant le concert on est vraiment loin l’un de l’autre, mais j’ai vraiment pris mon pied de jouer avec eux dans ce superbe lieu. En plus, je n’écris pas des trucs super simples, toutes les personnes du groupe ont des petits challenges personnels, il faut être très concentrés.

Quand on est dans le jazz en Belgique, a-t-on l’impression d’être dans une grande famille ?
P.L. : C’est sûr, c’est un plus petit pays d’abord. Moi, je suis française et j’ai choisi de venir ici, je me sens bien dans la scène belge, il y a un côté convivial, chaleureux.

Pauline Leblond Double Quartet © D.R. / P. Leblond

Pauline Leblond Double Quartet
L’oubli
Autoproduction

Jean-Pierre Goffin