Pedro Velasco : Divagar Devagar

Pedro Velasco : Divagar Devagar

Clonmell Jazz Social

Après Harry Christelis, le jeune label britannique Clonmell Jazz Social sort le disque d’un autre guitariste, cette fois d’origine portugaise : Pedro Velasco. Et la musique proposée est à nouveau très originale, s’abreuvant à différentes sources qui vont du « Red Cross » de John Fahey à l’onirisme typiquement scandinave d’un Terje Rypdal en passant par le minimalisme d’un Jakob Bro, le tout enrobé dans des effets électroacoustiques qui apportent une dimension parfois expérimentale (« Merda Prá Bolinha ») et la plupart du temps « ambient » (« Pipa d’Água », « Valsa Destes Tempos »…). Pedro Velasco a tout fait sur ce disque : les compositions, l’interprétation en solo (sans aucun overdub ni travail d’édition comme le précisent les notes de pochettes), l’enregistrement sur du matériel analogique, la production et même le design de l’album. Le répertoire comprend 19 titres pour un total de 36 minutes, c’est dire que les morceaux sont courts, la moitié d’entre eux ne dépassant guère une minute et demie. Ces petites miniatures s’enchaînent comme des extraits de scènes éparses qu’on aurait rassemblées sur une bande originale de film : on en garde une impression d’errance, d’abandon et de solitude un peu dans l’esprit de la musique composée par Ry Cooder pour « Paris, Texas ». Certains interludes sont plus avant-gardistes comme « O Armário do Tio Paulo » avec sa guitare électrique saturée et ses longues plaintes éthérées évoquant l’esthétique tourmentée d’un Terje Rypdal, ou « Merda Prá Bolinha » avec sa guitare trafiquée pour lâcher des notes dissonantes. Le titre le plus long, « Canção do Vidoeiro » (3’20″), est aussi le plus structuré avec une belle mélodie mélancolique, mais il n’est pas foncièrement différent du reste. En fin de compte, ce disque s’écoute comme une longue suite d’atmosphères indéterminées et suspendues qu’on n’a pas envie d’interrompre. Cette musique est l’équivalent sonore d’une multitude de petits nuages qui passent lentement au-dessus d’un grand lac dormant en créant des ombres au hasard sur les eaux éclatantes de lumière.

Pierre Dulieu