Pépites #34, Around Jazz

Pépites #34, Around Jazz

Around Jazz, quelques pépites…

C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.

Abu, Abu

HOMERECORDS

Abu Djigo, le guitariste sénégalais virtuose, le souhaitait ardemment : enregistrer un premier disque sous son nom. Les fondations sont érigées, mais l’œuvre non encore achevée lorsqu’il perd brutalement la vie. A charge, pour ses proches amis, d’assurer les parachèvements du chantier. Parmi eux, on retrouve des musiciens  africains, comme la légende malienne Baba Sissoko ou le chanteur sénégalais Omar Ka. Mais aussi un percussionniste iranien, Afra Mussawisade, et même des musiciens de jazz (Gabriel Perez au saxophone). Ensemble, et à la mémoire de leur ami disparu, ils créent le projet Abu, une association aux allures de sono mondiale. La musique d’Abu emprunte les chemins escarpés de l’Afrique de l’Ouest. Un chemin de terre rouge, jalonné de courtes phrases mélodiques qui tournent en boucle jusqu’à la transe. En toute occasion, cette musique dégage une énergie positive même si, par la force des choses, elles est chargée d’émotion. Abu est un magnifique hommage auquel Jazz Around s’associe tout naturellement.

 

Yann Tiersen, All

MUTE RECORDS

Résumer les vingt-cinq ans de carrière de Yann Tiersen à la seule bande-son du « Fabuleux destin d’Amélie Poulain » (aussi belle soit-elle) serait aussi injuste que réducteur. Rappelons tout de même et entre parenthèses que ce score, qui lui a valu gloire (César et Victoires de la musique) et richesse (deux millions d’exemplaires vendus dans le monde) contenait pour sa moitié des compositions provenant d’albums précédents. Fin de cette parenthèse. Et puis d’abord, comment résumer la musique de Yann Tiersen en quelques lignes ? Lui qui a connu le Conservatoire (violon, piano et direction d’orchestre) avant d’être guitariste dans des groupes de rock et enfin, de s’intéresser à la musique électronique néoclassique et aux samplers ? Ce neuvième album est une ode à l’île bretonne d’Ouessant où il a fini par s’installer et construire son studio d’enregistrement. Yann Tiersen en assume toute l’instrumentation, tandis que son épouse, Emilie, ainsi l’une ou l’autre recrues apportent leur contribution au chant, en langue bretonne dans le texte. Loin des valses et de l’accordéon d’Amélie, « All » (« autres » en français, vous noterez le double sens) nous embarque, par Mer et Terre sur les routes essentielles de la quiétude. Les arpèges d’un piano triste, les orchestrations épurées et les voix aériennes tissent, c’est certain, un lien étroit avec l’intérêt que Yann Tiersen a toujours porté au cinéma. Prendre son temps, mesurer le bonheur présent. Tel est le message sous-jacent, que certains trouveront un tantinet naïf. Qu’importe : « All » s’ouvre sur les rires d’un enfant et se clôture par le chant des oiseaux qui colonisent ce petit bout de terre paradisiaque. Qu’attendre de plus ?

 

Oxyd, The Lost Animals

11H11

Nous nous étions quittés avec « Long Now », un album « inspired by Nirvana’s music and spirit ». Un musique qui cabote aussi bien sur la vague du rock (forcément, et du dur) que celle du jazz (forcément, Oxyd est un groupe de jazz). Et même, de temps à autre, avec des incursions dans la musique classique contemporaine. L’éclectisme qui habite le claviériste Alexandre Herer expliquant sans doute cela. On n’échappe pas à son destin. S’il ne rend plus hommage à Kurt Cobain, ce cinquième album d’Oxyd trace son chemin dans les mêmes sillons que son prédécesseur. Du jazz, le quintet puise ses goûts pour le risque et l’improvisation. Du rock, on reconnaît les sonorités et on apprécie l’esprit de révolte. Car le sujet est grave et interpellant. Neuf titres, neuf animaux disparus. Du Grèbe roussâtre au Couagga en passant par le Grand Pingouin. Neuf animaux que l’Homme n’a pas été capable de sauver. Avec ce « Lost Animals », Oxyd dresse le même constat que certains de ses condisciples (PJ5, Next.Ape) : où allons-nous, que deviendront ceux qui nous suivent ? Un constat alarmant, certes, mais qui ne doit pas non plus nous faire oublier que le jazz, le rock, la musique classique… c’est aussi de l’entertainment. Ne boudons pas non plus notre plaisir. Et profitons encore une fois de l’écoute d’un bel album.

 

Joseph « YT » Boulier