Pépites #36, Around Jazz

Pépites #36, Around Jazz

Around Jazz, quelques pépites…

C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.

Resonance,

Illuminations

ESTRELLA & AGUA MUSIC

Vous l’aurez remarqué, dès ses débuts, la rubrique « pépites » a apporté une attention particulière aux fusions des genres. Le jazz (parfois de façon à peine perceptible) et… Et le rock, un mariage de raison. Et la soul, les musiques du monde, le hip-hop (très tendance ça!), l’électro, la chanson. Moins souvent le jazz et la musique classique, même si, bien entendu, il existe des exemples (Music 4 a While, Sylvain Rifflet Mechanics, Belem…). Faire jongler ensemble l’improvisation libertaire du jazz et la rigueur (en principe) écrite de la musique classique n’est pas une tâche insurmontable. Bien souvent, les uns et les autres ont fréquenté les mêmes académies, les mêmes conservatoires. Au milieu du gué, ces musiciens rompus à l’écoute des autres optent alors pour une voie définitive. Quentin Dujardin a décidé de ne pas choisir. Ou plutôt de tout (ou presque) prendre. Né dans le monde de la musique classique, le guitariste dinantais s’est intéressé peu à peu au jazz. Philip Catherine sera une source précoce d’inspiration, d’autres le conforteront dans ce choix (Ivan Paduart, Diederik Wissels, Toots bien entendu). Mais l’homme conserve ses écoutilles bien ouvertes, et un sac de voyage prêt au cas où. Le projet  «Resonance » en est la splendide et lumineuse démonstration. Retour à la musique classique. Les musiques anciennes en particulier, revues ici sous la forme de compositions originales signées et arrangées par Quentin Dujardin et son compère, le chanteur contre-ténor Samuel Cattiau. Autour d’eux, cordes, vents et percussions élargissent un peu plus le spectre des genres abordés. Musique classique donc, mais aussi folklorique, aux croisements des époques. A découvrir, tout en quiétude lors d’une tournée de concerts qui seront donnés dans des lieux remarquables du patrimoine belge et français. Pour la tournée « Resonance », rendez-vous ICI

Andrew Rathbun,

Character Study

STEEPLECHASE

Un disque convenu ? Tout porte à le croire. Le gars plastronne en couverture avec son ténor posé sur l’épaule et l’aplomb d’un libéro hollandais. La photo du quintet qui figure dans le livret ne laisse pas présager l’écoute d’une musique techno-dance. Rien de bien neuf en effet sous ces tropiques-là. Mais attendez, lisez la suite ! Andrew Rathbun (Toronto) a été élu « étoile montante » dans le « Downbeat Critics Poll » de 2018 : une référence. Alors on demande à entendre et on écoute. Certes sans surprise, un jazz « post-bop » qui alterne ballades et mouvements plus saccadés, lumières tamisées et spots aveuglants. Mais, et ça change tout, ceci vous est servi avec un gros « plus » indéfinissable à la clé. On perçoit rapidement, au sein de ce band, une cohésion rarement entendue, un son d’ensemble qui apporte aux couleurs traditionnelles (bleues bien entendu) la modernité dont nous doutions, convenons-en. Pas de mal à foutre des baffes aux préjugés : « Character Study » plaira aussi aux arpètes du jazz et de ses codes (parfois) tordus.

 

One Horse Land,

Interesting Times

LUIK RECORDS

Après un « em… par la musique » (Bored With the Music), voici « Interesting Times », une expression sarcastique anglaise qui pourrait se traduire par « Allez au Diable ! ». One Horse Land (quel joli nom pour un groupe de folk !) maîtrise à merveille l’art de feindre, de suggérer une voie royale en empruntant celle des chemins de traverse. Tout en dilettante, l’air de rien. A l’image de la musique du quintet. Les chansons boisées de One Horse Land se jouent du bout des doigts, sur des instruments si conventionnels (la guitare bien sûr, mais aussi la contrebasse, le banjo, la mandoline, la clarinette) qu’on en ignorait presque la survie. Comme le rutabaga, le topinambour et tous ces légumes « oubliés » avec lesquels on mitonne aujourd’hui de bonnes soupes. On pense à un Neil Young apaisé, à un Marc A. Huyghens en moins tourmenté. La musique de One Horse Land n’a finalement rien de bien renversant, et ce n’est pas son but. Réconfortant est l’adjectif qui lui convient le mieux.

Joseph « YT » Boulier