Pépites #48, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Stephan Thelen,
Fractal Guitar
Nous avons déjà croisé la destinée de ce guitariste suisse dans les « pépites ». Souvenez-vous du quartet Sonar et de l’album “Vortex”, enregistré pour le compte du label RareNoise. On retrouve Stephan Thelen en solo (mais accompagné) pour une démonstration de guitare fractale (soit, pour résumer, un jeu qui se base sur des «delays» rythmiques appuyés) et d’accords «tritones» (qui s’étendent sur des intervalles particulières). A moins que vous ne soyez vous-même un guitariste à la recherche de nouvelles aventures, ces considérations techniques ne vous touchent pas. A priori, nous non plus. La musique donc (et rien qu’elle). Ce qu’elle a à nous dire, ce que nous ressentons à son écoute. A ce niveau, rien à dire, ou plutôt que du bien. « Fractal Guitar » réunit cinq longues plages polyrythmiques (la plus courte atteint presque neuf minutes) qui permettent les développements les plus ingénieux. On entend des entrelacs de guitares (ils sont parfois cinq guitaristes à se relayer) qui se faufilent entre les battements métronomiques de Manuel Pasquinelli (Sonar) ou de Benno Kaiser. Robert Fripp (et ses « Frippertronics ») et Richard Pinhas sont les références qui sautent aux oreilles. Mais on pense aussi bien évidemment au jazz rock affété de David Torn, présent ici sur deux titres. Si cette musique nous renvoie vers des considérations techniques proches de la mathématique, elle invite aussi à la flânerie. Comme lorsque nous écoutions Pink Floyd, couché dans le noir et un casque vissé sur les oreilles. En pleine exploration de la face cachée de la lune…
Peter James,
There Is Only Now
Maintenons notre casque d’écoute sur les oreilles une petite heure encore. Pour entendre une nappe synthétique posée sur un rythme absent ou diffus. Un accord, un seul… Parfois deux, peut-être. Sur lequel viennent se greffer des instruments intermittents. Le hautbois, un arpège de piano, le scintillement d’une cymbale… Ou une voix plaintive (Jenny Jo Oakley et Saskia Dommisse au relais). Trois longs développements qui nous plongent en apnée dans l’univers sombre et poétique de Peter James. Un univers à la beauté délicate, entre Klaus Schulze et Dead Can Dance. Cette musique a été publiée en septembre 2012 en version (très) limitée à cinquante exemplaires (une enveloppe contenant trois cartes postales et un Cdr). Elle ressort aujourd’hui, toujours aussi pertinente et belle, via la plateforme Bandcamp.
Building Instrument,
Mangelen Min
Les espaces sont aussi vastes que majestueux. La mer s’étend au loin en cognant les Fjords par vagues successives, dans un rythme mécanique. La splendeur des paysages, la rudesse du climat, induisent une imagination débordante, mystique même… C’est bien de tout cela qu’il est question dans ce troisième album du trio norvégien Building Instrument. De mélodies délicates et rêveuses, d’un folk ambient rarement entendu, tant cet univers musical singulier leur est personnel. Une voix fragile, un kit de percussions, une cithare et quelques machines jamais envahissantes. Rien de plus, sinon beaucoup de fantaisie, de subtilité et de mélancolie… On pense à l’electro-pop aventureuse éclose dans le grand Nord (Björk, Anja Garbarek, Stina Nordenstam, …). Mais tout ceci n’est-il peut-être qu’un rêve éveillé ? Magique !
Joseph « YT » Boulier