Pépites, around jazz…
Around Jazz… quelques pépites.
C’est du jazz, … mais pas tout à fait non plus… Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Free, Flow & Fly, Offerings
D’emblée, et cette impression nous poursuivra tout le long de notre écoute, nous sommes captivés par la section rythmique, implacable ! Le couple contrebasse/batterie (composé de Raphaël Schwab et de Rafaël Koerner) semble être insensible aux températures qui vous glacent les os, quand il faut braver les vents polaires de face. Protégés par un duo aussi précieux, vous pouvez agir en toute quiétude. Dans le jargon cycliste, on appelle cela « se tenir au chaud dans le peloton ». Votre leader n’aura pas le moindre coup de pédale superflu à donner. Au moment propice, lorsque la course s’animera, il surgira de sa boite, comme venu de nulle part, et coiffera tous ses adversaires sur la ligne en donnant un dernier coup de reins. C’est aussi un peu le but du jeu… Parfois, pour tester l’endurance de ses rivaux, l’équipe dépêchera ses « lieutenants » aux avant-postes. Et ici, vous pouvez compter sur Fred Maurin (guitares) et Jean-Michel Couchet (saxophones). Ils n’économiseront pas leurs efforts. A la tête de ce personnel, le trompettiste/chanteur Andrew Crocker ne pouvait perdre cette course effrénée au succès ! Free (pour le lâcher-prise), Flow (pour la créativité) & Fly (pour l’envol) joue en effet sur les trois tableaux qui, mis ensemble, dessinent une œuvre fantaisiste et libre. Un peu à l’image de la (belle) pochette du disque : un craboutcha à la Franquin, rempli de rondeurs et de finesse.
Yusef Komunyakaa/David Cieri/Mike Brown,
White Dust
Si le concept « Cool Jazz » n’avait pas déjà été inventé, on le réserverait volontiers à ce disque-ci. Au juste, ce « White Dust » sobre et concis. Un piano dépouillé de ses effets inutiles (David Cieri, connu pour avoir commis quelques musiques pour des documentaires). Une contrebasse omniprésente, parfois jouée à l’archet (Mike Brown). Quelques loopings. Enfin, une batterie discrètement respectueuse. Et par-delà la musique, on retrouve la voix chaude et apaisante du poète originaire de Louisiane, James William Brown Junior (dit Yusef Komunyakaa), qui déclame un « spoken word » abordant des sujets qui fâchent outre-Atlantique (l’égalité des droits pour les Afro-étanusiens, la guerre en Irak). L’addition du tout nous donne un jazz à coloration bluesy (et non l’inverse) qui caresse l’oreille dans le sens du poil dressé…
Alune Wade, African Fast Food
Ce fast food africain (le titre fait référence aux ambiances épicées et chaleureuses qui règnent dans les gargotes de Dakar) est le troisième effort du bassiste/chanteur sénégalais en qualité de leader. D’Alune Wade, on se souvient particulièrement bien de deux albums produits en collaboration, tous les deux parus en 2015. « Afrodeezia », d’abord, a été enregistré avec l’homme qui demeure son mentor – Marcus Miller – auquel il emprunte volontiers le son métallique de la basse. « Havana – Paris – Dakar », ensuite, un flirt assumé entre l’Afrique de l’Ouest et l’île de Cuba, représentée par le pianiste Harold Lopez-Nussa… En matière de fusions complexes et colorées, « African Fast Food » nous emmène plus loin encore. Autour de Wade, on retrouve en effet des musiciens venus des quatre coins de la planète. De Mokhtar Samba (Maroc) à Leo Genovese (Argentine) ou de Renaud Gensane (Madagascar) à Adriano DD Tenorio (Brésil), chacun a apporté son petit sachet d’épices personnel. N’oublions pas non plus le rôle essentiel joué par les deux rappeurs Kuku (le Nigérien) et Oxmo Puccino (le Malien). On obtient, au terme de la cuisson, une chaloupe afro-beat au groove implacable !
Cuong Vu Quartet,
Ballet – The Music of Michael Gibbs
Le projet tenait particulièrement à cœur de Bill Frisell : attirer le compositeur/tromboniste Michael Gibbs à l’Université de Washington, pour y produire de nouveaux arrangements orchestraux de sa musique. Lors du deuxième set (dont les enregistrements ont donné naissance à l’album Ballet), les notes de Gibbs ont été jouées en un quartet articulé autour de la trompette de Cuong Vu et de la guitare de Frisell. On s’en doute, il existe un écart abyssal entre ces enregistrements-ci (parfois approximatifs sans toutefois être inaudibles) et le son léché qui prédomine lorsque le trompettiste vietnamien collabore avec son autre compagnon de route guitariste, Pat Metheny… Le jazz électrique, voire la country jazz de Ballet offre aux solistes un espace de jeu élargi qu’ils utilisent à bon escient et à l’unisson… Un peu au détriment de la section rythmique. On leur pardonnera volontiers.
Joseph « YT » Boulier