Pépites, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Théo Girard, 30Years From
Théo Girard a multiplié les projets les plus divergents, aux quatre coins de la Planète. Par contre, il n’avait jusqu’alors jamais réalisé le moindre album en son nom, et ce, de toute une carrière de musicien déjà bien longue (on y reviendra). Chose faite avec ce « 30YearsFrom » autobiographique, enregistré par un trio pour le moins atypique. Le leader (une contrebasse au son métallique) est ici secondé par le batteur des incontournables Sons of Kemet (Seb Rochford) et du trompettiste Antoine Berjeaut, à qui on a confié la lourde tâche d’assurer l’essentiel du fond harmonique. Le résultat est aussi surprenant qu’agréable à entendre, oscillant entre le quasi punk (Tom & Jerry) et le jazz ondulant (Waiting For Ethiopia On A Bosphorus Bridge). Il ne sera jamais question de nostalgie : en formation soudée, le trio aborde chaque thème comme autant de dias positives, enclenchées à des moments stratégiques (des lieux, des sons, des personnages). Avec une maman couturière à l’Opéra et un papa violoniste dans un orchestre tzigane, Théo Girard ne pouvait échapper à sa destinée… Celle d’un artiste téméraire dont « 30YearsFrom » trace un bilan très positif.
Christian Scott aTunde Adjuah,
The Emancipation Procrastination
En 2017, l’homme aux trois poumons (il lui fallait bien ça pour souffler dans ses drôles de trompettes!) a été ultra présent et ultra performant. On a pu l’applaudir – doux euphémise – sur l’ensemble des scènes européennes (qu’il visite toujours à l’heure où nous écrivons ces lignes) et d’ailleurs. Parallèlement, le dorénavant Chef d’une tribu d’Indiens Creeks s’est lancé dans la confection d’une trilogie « The Centenial Trilogy », consacrant le centième anniversaire de l’enregistrement d’un album de jazz.On l’a déjà écrit, ce sont les musiciens aussi audacieux que Christian Scott aTunde Adjuah qui ont permis au jazz d’évoluer… et donc de survivre à son propre centenaire. Dernier chapitre de la trilogie, « The Emancipation Procrastination » aborde pour sa part le thème délicat de la politique. Un questionnement simple à première vue, que l’on pourrait traduire par (et toi, qu’en penses-tu?). Ceci pour le fond. Car en ce qui concerne la forme, on demeure abasourdi par tant d’aisance, tant de modernité ! La « stretch music » généreuse de Scott se sera jouée avec les tripes et la main sur le cœur, jusqu’au bout du dernier enregistrement. Comme si ce cortège de florilèges ne pouvait se suffire à lui-même, ajoutons enfin, qu’aussi bien les enregistrements que les concerts du Louisianais, auront permis l’éclosion de quelques jeunes pousses du jazz de demain, en tête desquelles nous positionnerons la flûtiste Elena Pinderhughes.
Florian Egli Weird Beard, Orientation
Weird Beard est un quartet articulé autour du saxophoniste/clarinettiste/compositeur zurichois Florian Egli. Ce qui frappe en premier lieu, lorsque l’on consulte les liner notes de l’album, c’est le jeune âge supposé des musiciens qui forment cette « étrange barbe » : la trentaine à priori, soit la génération sensée avoir été biberonnée à la techno et aux beats électroniques. On s’étonne dès lors d’avoir à entendre une musique aussi riche et mature. Environ un an après nous avoir séduits avec un « Everything Moves » fort semblable (line up identique, conditions d’enregistrement reproduites), Weird Beard nous livre la suite, toujours sur le label aventureux Intakt, qui nous a déjà habitué à plus torturé. Sur des thèmes épurés, la musique légère du quartet emprunte les voies de la mélancolie et de la sagesse, ce qui n’est pas sans nous rappeler le minimalisme éclairé des Anversois de Donder. Atmos féerique !
Joseph « YT » Boulier