Peter Orins, Happened By Accident

Peter Orins, Happened By Accident

Peter Orins, Happened By Accident

CIRCUM DISC

Dans son précédent album solo, Peter Orins ajoutait à sa batterie des artefacts électroniques, une sorte de travail à égalité, comme une lutte intérieure. “Happened By Accident” est a priori différent, ne serait-ce que par sa nature; si les choses sont fortuites et non préparées, elles ne peuvent se résumer en un rapport de force entre numérique et mécanique, surtout si le batteur de TOC ne s’en tient qu’à sa percussion qui chante et vibre avec une grâce certaine. La pochette de cet album, paru dans la collection Helix du label Circum, est d’ailleurs extrêmement éclairante quant à la musique contenue : une série de lignes floues dont on ignore s’il s’agit d’un sillon de vinyle, d’une onde qui se propage ou d’une macrophotographie décentrée d’une cymbale en pleine action. Un résumé du premier des six mouvements de Happened By Accident en quelque sorte, où la palpitation du métal fait songer au chant d’un gamelan. Mais c’est presque Having Never Written a Note For Percussion et sa lente montée en puissance, des caresses à la frappe franche, qui nous éclaire davantage sur l’intention d’Orins : aller chercher la surface sensible du son dans ce qu’elle a de plus chaotique. Non, nous ne pouvons pas croire l’assertion : Orins a déjà écrit pour son instrument, et la dramatisation en cours le prouve : si le morceau présent a été composé par James Tenney, un élève de Cage et de Varèse, les six parties de Happened By Accident sont bien de sa main, et relèvent d’une grande dramaturgie. On songe à ce que Gerry Hemingway avait pu proposeren solo il y a quelques années. Une sorte de quête élémentaire dans les registres sonores les plus éloignés de la pulsation, qui transcende le rôle de la batterie et lui donne paradoxalement une enveloppe charnelle qui respire et peut avoir la pureté du cristal (Happened By Accident Part.2). Enregistré à Vandœuvre-les-Nancy dans le cadre du festival Musique Action, “Happened By Accident” révèle la personnalité d’Orins de manière plus construite que ne l’était Empty Orchestras qui ne proposait que des ébauches et des crayonnés. Nous sommes ici dans le mouvement radical, dans le son brut autant que réfléchi. Il n’y a pas d’accident fortuit ici, il n’y a que des collisions fécondes. Il suffit de s’abandonner entièrement.

Franpi Barriaux