PoiL Ueda : PoiL Ueda

PoiL Ueda : PoiL Ueda

Dur et Doux

Il y a de ces rencontres musicales improbables qui peuvent laisser perplexes… Prenez cette réunion entre PoiL, groupe français iconoclaste (un trio claviers-guitare-batterie pratiquant une espèce de fusion entre du Zappa, des groupes de la mouvance zeuhl et des éléments de musique plus violente, voire punk), et Junko Ueda, joueuse japonaise de satsuma biwa (luth japonais) et surtout chanteuse spécialisée dans le récit épique médiéval de son pays. A première vue, ce projet paraît douteux et pourrait déboucher davantage sur une collision frontale entre cultures que tout oppose plutôt qu’à une réelle fusion entre deux mondes musicaux. Je ne vous cacherai donc pas les craintes que j’avais avant d’aborder cet album. Je vous avoue que je n’avais jamais entendu parler de Junko Ueda. Par contre, je connaissais un peu PoiL, groupe lyonnais existant depuis une quinzaine d’années et ayant sorti six disques, souvent très différents les uns des autres, assez difficiles d’accès, mais intéressants justement par cette prise de risques.

Venons donc à cet enregistrement : cinq compositions qui sont en fait deux longues suites en trois parties pour la première et deux pour la seconde. « Kujô Shakujô », la première suite, nous emmène d’abord dans un environnement assez mystique avec un chant bouddhiste destiné à chasser les mauvais esprits. L’ambiance est assez apaisante et loin de la folie habituelle de PoiL. La fin de la deuxième et la troisième partie de ce premier mouvement sont davantage énergiques et même impressionnants par moments, avec toujours la voix de Junko Ueda, assemblage qui fait penser à ce que Magma a pu parfois proposer. Le second volet de l’album, « Dan No Ura », fait référence à la bataille navale du même nom et à l’évolution de deux clans impériaux. On retrouve ici toute cette bizarrerie créative que l’on connaît au groupe français, très judicieusement associée à l’étrangeté de la voix de Junko Ueda.

Au final, voici un album vraiment intéressant : il peut rebuter dans un premier temps (cette voix et ce monde japonais que nous connaissons finalement très peu), mais après avoir mis de côté quelques à priori et après quelques écoutes, on ne peut que reconnaître de réelles qualités à cette œuvre inqualifiable, difficile et avant-gardiste.

Pour ceux qui voudraient prolonger le plaisir de cette rencontre musicale, sachez que PoiL et Junko Ueda seront en concert le dimanche 12 mars au Lac à Bruxelles.

Sergio Liberati