
Real Muzul : Sylvia Robinson, Godmother Of Hip-Hop
Il y a des biographies qui suivent minutieusement la carrière d’un artiste, vous décrivent la moindre intervention d’un instrument, les prises en studio et nous fournissent quelques anecdotes. Et puis, il y a celle-ci qui se lit presque comme un roman. On laisse un personnage sur la touche, il part même en France, on en suit un autre puis un second et celui du début réapparaît sans crier gare ! Pour vous dire, il y a même un résumé de certains événements à la page 169 ! Sans oublier des touches de suspense et comme dans un roman, c’est à la dernière page que tout se dénoue ! Et franchement, la vie de Sylvia et ses cinq décennies dans le milieu rythm’n blues, soul, funk et hip hop /rap devrait nous valoir un film !
Elle est née à New York en 1936 et, dès son adolescence, elle va se mettre au chant, intégrer diverses scènes et rapidement, le désir de s’imposer comme découvreuse d’artistes, de les gérer, de les mettre sous sa coupe, se fait sentir. A ses côtés, son mari, Joe, s’occupera du « business ». Entendez « gérera le pognon de tout le monde en se servant grassement ». Au hasard des rencontres, elle croise Les Paul, Bo Diddley qui lui écrira une chanson, mais il l’attribuera à sa femme, Ike et Tina Turner ou le batteur Bernard Purdie. Elle formera un duo « Mickey and Sylvia » qui obtiendra quelques hits aux States à la fin des années cinquante et dans les sixties. Pour finalement créer plusieurs labels détenus, chose rare à l’époque, par des noirs. Il y aura notamment All Platinium et Turbo, sur lequel sera publié le méconnu groupe belge Injun Joe ! Et elle rachètera le label pionnier du rock’n roll Chess Records ! Les affaires tournent bien, mais c’est avec « Sugar Hill Records » sur lequel elle éditera, en 1979, le fameux «Rapper’s delight » du Sugar Hill Gang que la gloire va arriver. Fait en un mois, il s’en vendra des tonnes. Ce single est considéré comme étant le premier disque de hip-hop jamais publié. Quelques années plus tard arrivera la tornade « The Message » le maxi de Grandmaster Flash and the Furious Five. Mais il faut suivre, presser les disques, les distribuer, trouver l’argent et là interviennent des personnes bizarres, au passé trouble, flirtant avec les pratiques mafieuses et des « contrats » peu équitables. Chose dont Sylvia est aussi coutumière et de ce fait elle héritera du surnom Sylvia « Rob-A-Nigger » (Sylvia vole un Noir). Les disques se suivent, notamment les trois LP de The Sequence qui révélera Angie Stone, mais on pique aussi des sons, par facilité, dans le vieux matériel et chez les voisins. Et à ce jeu, parfois, on perd. 600.000 dollars seront reversés au groupe Liquid Liquid pour le beat copié sur « Cavern » de Grandmaster Flash. Et il y a aussi la concurrence qui se pointe notamment avec les labels Tommy Boy et Def Jam. Et Sylvia n’a pas toujours le bon réflexe, elle refusera neuf démos de LL Cool J ! Dès lors, dès 1985, on assistera au déclin du label.
Mais derrière Sylvia et son mari, il y a les trois fils, dont un spécimen rare : Joe Jr. Après avoir appris beaucoup de ses parents, il continuera l’aventure d’une manière impensable. Pour remplir la manne financière, il relance et intègre le Sugar Hill Gang avec un seul des membres originaux, en faisant croire que les deux autres sont morts ! Vous lirez leurs réactions dans ce livre où faillites, renaissances, liaisons dangereuses et millions de disques vendus en sont la colonne vertébrale. Un seul regret personnel, il n’y a que des pochettes de disques pour illustrer cet étonnant livre. J’aurai aimé quelques photos de Sylvia ou de certains de ces personnages ainsi que de quelques lieux. Mais qu’est-ce que j’en ai appris sur cette femme et son entourage avec ce livre initiant et divertissant !
Real Muzul
Sylvia Robinson, Godmother Of Hip-Hop
Le mot et le reste
23 €
ISBN : 978-2-38431-527-7
280 pages