Reggie Washington,Vintage New Acoustic

Reggie Washington,Vintage New Acoustic


Reggie Washington, Vintage New Acoustic 

JAMMIN’COLORS RECORDS

Tout est dit dans le titre de l’album : retour aux sources et basse acoustique. Reggie Washington parle de sa face acoustique pour la réalisation de cet album et c’est bien une face méconnue du musicien qu’évoquait Fabrice Alleman dans une interview récente : « Reggie, je l’ai engagé dans mon quartet, personne ne le connaissait à la contrebasse, il était surtout connu pour son jeu à la basse électrique, mais Reggie a un time et un son à la contrebasse incroyable. » En dehors de la courte intro et de la coda « Always Moving » qui forment une seule composition de Reggie et de Bobby Sparks,  et de « Half Postition Woody », du bassiste, toutes les autres pièces de l’album sont des reprises, principalement de saxophonistes : Wayne Shorter pour « Fall », « ESP » et « Footprints », Branford Marsalis pour « Thoughts of Buckshot » et John Coltrane pour « Afro Blue » ( même si ce morceau est bien une composition de Mongo Santamaria, il est devenu un des titres fétiches de J.C.). Plus étonnant mais ô combien pertinente est la reprise de « Eleanor Rigby » de Lennon/McCartney entièrement interprétée à la contrebasse et chargée de funk et de groove comme on ne l’attend pas, un petit bijou à se repasser adlib. Avec une rythmique pareille, on se souvient de ce que Jacques Pelzer affirmait régulièrement : « Tu n’égaleras jamais une rythmique américaine ! » S’y joint ici dans une forme lunaire Fabrice Alleman que Reggie Washington connait depuis un remplacement inopiné, celui d’Erwin Vann  empêché pour un concert en duo. Depuis, Reggie a participé à « Obviously » et les deux musiciens ne se quittent plus. Il faut dire qu’en Fabrice Alleman, Reggie trouve le saxophoniste qui convient à son engagement groovy-funky et gorgé de tradition auquel adhère aussi le Montois. N’y allons pas par quatre chemins, Fabrice Alleman est réellement au top sur cet album et me revient à l’esprit cette petite phrase de mon regretté père : « Voilà le vrai successeur de Bobby Jaspar ! ». Le saxophoniste mène « Half Position Woody » avec une maîtrise absolue soutenu par une rythmique au cordeau, du grand jazz ! Comme déjà dit, « Afro Blue » est bien un thème marquant dans la discographie de Coltrane, et pourtant ici, Reggie Washington chante le thème à la contrebasse, le sax n’intervenant aucunement sur les 3 :10’ du morceau, mais E.J Strickland( Ravi Coltrane, Christian Sands) tricotant subtilement aussi à la batterie. Introduction aussi à la contrebasse sur « E.S.P » et ouverture lumineuse du thème par Fabrice Alleman, thème sur lequel on est  aussi marqué par les qualités du jeu de Bobby Sparks ( entendu chez Roy Hargrove et avec Snarky Puppy) au piano acoustique. Ce même Bobby Sparks est tout aussi soufflant sur « B3 Blues 4 Leroy », à l’orgue Hammond B3 comme le titre l’évoque. E.J Strickland rappelle le groove tranquille d’un Elvin Jones dans l’intro du morceau, sans saxophone mais avec un long solo de Reggie. Un album à la basse acoustique, mais avec une reprise funky de « Moanin’ » où Reggie Washington joue  la basse électrique avec la classe qu’on lui connait : fallait-il encore prouver qu’il est sur l’instrument un des grands maîtres actuels ? Un album gorgé de tradition que l’on classera parmi les plus belles réussites du bassiste américain.

Jean-Pierre Goffin