Robin Antunes : Mons Tumba / Robin Antunes & Benjamin Garson : Trablos

Robin Antunes : Mons Tumba / Robin Antunes & Benjamin Garson : Trablos

Robin Antunes & Benjamin Garson
Trablos
Tchokotchok Records / Inouïe Distribution

Difficile d’imaginer, à l’écoute des premières minutes qui annoncent « Mons Tumba », que Robin Antunes a joué aux côtés de Louane et de Grand Corps Malade. Violoniste chevronné, Antunes est également un arrangeur et orchestrateur réputé, ce qui lui a ouvert bien des portes dans le monde la variété. Ici, c’est dans un tout autre paysage qu’il évolue. Le titre « Mons Tumba » est le nom originel du Mont Saint-Michel qui renvoie à l’image d’un tombeau émergeant des sables. À l’occasion du millénaire de la construction de l’abbatiale, construction phare dominant le Mont, Robin Antunes a investi les lieux au printemps dernier avec une dizaine de musiciens / musiciennes pour enregistrer les sept pièces qui forment cet album. Elles ont été captées en binaural, une technique de spatialisation sonore immersive la plus proche de l’écoute naturelle. Certaines compositions comme « Mégalithe / Notre-Dame-Sous-Terre », « 600 Souls » ou la plage introductive « Mascaret » font directement référence à ce site exceptionnel. Les autres saluent les étapes d’un voyage-pèlerinage entrepris par l’artiste qui l’a vu suivre le Mékong, flâner dans le quartier Bab Al Ramel à Tripoli au Liban, s’arrêter sur la tapisserie prémonitoire de Jean Lurçat au Musée d’Angers et revenir à son village familial de Reguengo au Portugal. « Mons Tumba » est un disque d’épure travaillée où rien n’est superflu ou excédentaire. Les cordes (violon, alto, violoncelle, contrebasse) s’unissent aux cuivres (sax soprano et sopranino, clarinettes, cor, hautbois, trompette, trombone) et à la flûte. Bien qu’elle en soit stylistiquement très éloignée, la musique d’Antunes revêt ici une dimension spirituelle aussi forte que chez Arvo Pärt, magnifiquement mise en relief par un ingénieur du son hors pair (Aurélien Marotte) et par la majestuosité des lieux elle-même.

Sur « Trablos », Antunes s’est cette fois joint au guitariste Benjamin Garson lors d’un séjour à Tripoli où ils ont arpenté, durant un mois à l’été 2022, des lieux emblématiques tels que le hammam Ezzeddine, l’église arménienne de Beit El Fan, la place Al Tal, les anciens souks ou encore une vieille demeure ottomane. La petite quinzaine de vignettes qu’ils ont ramenées de leur voyage sont autant de cartes postales sonores de la ville où se mêlent à leurs instruments des enregistrements de terrain, la résonance des matières et la réverbération des murs. Dans leur majorité, de durée assez concise, elles révèlent la complicité qui est à l’œuvre entre les deux musiciens, lesquels revendiquent pour le coup leur capacité d’improvisateur autant que celle de compositeur. L’album est dédié aux Tripolitains et aux Tripolitaines qui ont partagé leur quotidien et plus particulièrement à ceux et celles qui leur ont fait part de leurs histoires de vie, source d’inspiration première de cet attachant carnet de voyage.

Eric Therer