Loïs Le Van – Sarah Lancman

Loïs Le Van – Sarah Lancman

Nord – Sud 

Loïs Le Van / Sarah Lancman: deux univers vocaux

D’un côté, “Vind”, le vent en suédois. Le choix de Loïs Le Van qui explique : “Un élément aux mille nuances, à la fois invisible et impalpable mais qui peut, à l’inverses, être d’une rare violence. Lorsque l’on marche contre un vent fort, cela nous force à l’introspection.” Et de citer “nombre de ses héros actuels : Harve Heriksen, Tord Gustavsen ou Tryge Seim”. De l’autre côté, la Française Sarah Lancman, en duo avec le pianiste italien Giovanni Mirabassi pour “Intermezzo” : l’amour de la canzonetta italiana, le soleil, le plaisir extraverti des mélodies qu’on partage avec les autres. A chacun de choisir…

Loïs Le Van,

Vind 

CRISTAL RECORDS

Après des études au Conservatoire de Lyon et un passage en Californie (stages notamment avec Kurt Elling), Loïs Le Van a rejoint le Conservatoire de Bruxelles, sous lé férule de David Linx. Dès 2008, il a enregistré “Stilte” avec le guitariste Aliocha Thévenet puis “So Much More” avec le saxophoniste Syvain Rifflet en 2016. Lors de son séjour à Bruxelles, il a enregistré, en 2017, “Rendez-vous à l’Ovyne”, avec le Bravo Big Band, sur des textes de François Vaiana et Laura Karst. Il a aussi participé à l’album “Murmures” du saxophoniste Tom Bourgeois et fait partie du Brussels Vocal Project avec François Vaiana. Sa rencontre avec la pianiste Sandrine Marchetti a d’abord abouti au duo Les yeux de Berthe et à l’album “Feuilles et nuages” dédié à la poésie de Philippe Jaccottet. Il l’a ensuite invitée à rejoindre son sextet, avec bugle et cor. Le revoici avec la pianiste pour “Vind”, en trio avec Paul Jarret, un guitariste très attiré par le rock alternatif scandinave. Fondateur du groupe Pj5, Jarret a aussi participé au groupe de rock improvisé Sweet Dog et va se lancer dans un nouveau projet en compagnie du batteur américain Jim Black. Au répertoire de Vind, 9 compositions de Loïs Le Van, 3 de Jarret, sur des textes de Laura Karst. Doté d’une texture vocale proche de celle de Thierry Peala (un vocaliste qu’on avait pu découvrir, il y a quelques années, au Centre Culturel d’Ans, en trio avec Sylvain Beuf et Bruno Angelini), Loïs Le Van possède une voix suave, diaphane, qui s’accorde en parfaite complicité avec le lyrisme du piano de Sandrine Marchetti et la guitare acoustique de Paul Jarret qui prend des accents folk sur certaines plages (Odd Western, Flowers). On navigue, au gré du “vent”, entre musique intimiste, empreinte de mélancolie (Heartstring, Nightwatch, Charme discret) et pièces enlevées par une plus forte brise (L’absinthe after Degas, Quercus alba, Windsong).

Sarah Lancman – Giovanni Mirabassi,

Intermezzo

JAZZ ELEVEN

Après avoir enregistré “Dark”, un album dédié à des textes de Nick Drake et à des standards, ainsi que “Inspiring Love” en 2016, la Française Sarah Lancman a rencontré le pianiste Giovanni Mirabassi et enregistré d’abord “A Contretemps”. Les voici réunis pour “Intermezzo”, un album consacré essentiellement à la canzonetta italiana. Natif de Pérouse, Giovanni Mirabassi, frère du clarinettiste Gabriele Mirabassi, s’est installé à Paris dès l’âge de 22 ans. Il a joué avec Chet Baker et Stefano Di Battista, formé, avec Flavio Boltro (trompette) et Glenn Ferris (trombone), un trio qui a enregistré l’album “Air”. Il a aussi gravé un “Tribute to Bill” très révélateur et pas mal d’albums solo (“Avanti!” puis “Adelante!” dédiés à des chants révolutionnaires, mais aussi “Cantopiano” dédié à la chanson). Depuis 2015, poussé par cette passion pour le chant, il accompagne Sarah Lancman, jeune chanteuse et pianiste née à Paris. En invité sur 4 plages de cet “Intermezzo”, le saxophoniste alto Olivier Bogé qui a notamment enregistré “The World Begins Today” avec le pianiste Tigran Hamasyan : un alto, à la voix suave, qui chante réellement la mélodie. Au répertoire, Estate de Bruno Martino, une mélodie charmeuse qui a beaucoup inspiré Chet; Ah, che sará, che sará de Chico Buarque (le Tu verras, tu verras de Claude Nougaro, le Toulousain célébré par Mirabassi dans Cantopiano) et surtout de grands succès de la chanson italienne signés par le Romain Sergio Caputo (Sabato italiano), Gino Paoli (Senza fine) ou Bruno Lauzi (Il poeta, Almeno tu nell’universo). Quand Sarah Lancman se lance dans Vedrai, vedrai de Luigi Tenco, le candidat malheureux de San Remo (il s’est suicidé après ce qui lui apparaissait comme un échec, malgré le soutien de Dalida), on ne peut s’empêcher de penser à Tiziana Ghiglioni et son Canta Luigi Tenco, gravé avec Paolo Fresu, Gianluigi Trovesi et Umberto Petrin (un chef d’œuvre de lyrisme mélodique). Pour les amoureux de la langue italienne, la plus chantante qui soit, le livret comprend les paroles de ces chansons bourrées d’émotion. Deux climats, deux univers vocaux.

Claude Loxhay