Shijin : Playful

Shijin : Playful

Excursus Production / Alter-Nativ / InOuïe Distribution

Tout est dans le titre : « Playful » ! Après un second album (« Theory of Everything », 2021) très pensé, le groupe Shijin, emmené depuis les débuts en 2018 par la basse tellurique de Laurent David et la frappe vertigineuse de Stéphane Galland, a eu l’envie de retourner à un jeu ludique qu’aucune obligation de studio ou de production ne viendrait entraver. Entre-temps, deux membres du groupe ont été successivement remplacés : le multi-instrumentiste Stéphane Guillaume s’est substitué au saxophoniste américain Jacques Schwarz-Bart après leur premier disque éponyme et c’est maintenant Ivo Neame qui prend la place de Malcolm Braff aux claviers. Toutefois, en dépit de ces changements de personnel, la philosophie du groupe est restée la même depuis sa création : produire une musique sans barrière stylistique, dont la puissance énergétique n’est modulée que par l’envie de sophistication et le goût de la mélodie.

Le répertoire comprend deux versions éditées pour la radio de « Toy Train » et de « Tin Soldiers », suivies par quatre morceaux de près de 10 minutes, captés en concert, qui constituent le cœur de ce nouvel album conçu pour être distribué sous la forme d’un vinyle. Et comme annoncé, l’ambiance est « playful », les quatre musiciens laissant libre cours à leurs élans ludiques pour produire un raz de marée de rythmes alambiqués, de métriques complexes et de notes, électriques ou acoustiques, qui explorent des terres rarement arpentées. Il faut écouter sur « Separating Circle », Stéphane Guillaume utiliser la puissance des polyrythmies de Stéphane Galland pour prendre son envol au saxophone et à la flûte ou, sur « You Are Here », Ivo Neame porter à incandescence son piano électrique sur une trame envoûtante. Quant à « Time Travel », c’est l’aspect mystérieux, voire mystique de la musique qui y est d’abord mis en exergue, avant que l’univers du quartet n’implose à nouveau en une marée d’étoiles sous les assauts combinés du dragon azur, du tigre blanc, de l’oiseau vermillon et de la tortue noire (les musiciens de Shijin se reconnaîtront).

Au-delà de la cohérence dans leur approche, les trois albums de Shijin ont tous leurs qualités propres mais, personnellement, j’ai un faible pour celui-ci et pour sa musique enjouée, spontanée, protéiforme, fusionnelle et affranchie de toute contrainte. Supernova !

Pierre Dulieu