Sussan Deyhim & Richard Horowitz : Desert Equations – Azax Attra
Made to Measure / Crammed Discs
Entamée en 1984 avec la compilation « Made to Measure vol. 1 », la série légendaire MTM revit à nouveau grâce à de nouvelles opportunités (Nova Materia, Aquaserge), mais aussi grâce à la réédition progressive du back catalogue avec des volumes remastérisés, parfois augmentés. La collection avait pour objectif de rassembler des musiques créées (ou qui « auraient pu être créées ») pour des films, des chorégraphies, des pièces de théâtre, … le tout présenté avec des pochettes bénéficiant d’un graphisme soigné, taillées elles-aussi sur mesure.
Si les noms d’Hector Zazou (avec ou sans Bikaye), Benjamin Lew, Tuxedomoon, Minimal Compact, etc. ne vous sont pas inconnus, celui de Sussan Deyhim (parfois écrit « Susan Deihim », ce qui n’arrange rien…) vous est sans doute moins familier. Pourtant, la chanteuse d’origine iranienne a quelques jolies lettres de noblesse à faire valoir… Elle a entre autres travaillé avec Maurice Béjart et participe actuellement à un nouveau projet monté par la paire Philip Glass / Godfrey Reggio (souvenez-vous de la trilogie des « Qatsi »), ce qui démontre l’éclectisme de son art.
De son côté et à l’époque, Richard Horowitz est actif dans la riche avant-garde new-yorkaise. Il a également joué avec Steve Lacy ou Anthony Braxton.
« Desert Equations : Azax Attra » est publié à l’origine en 1986, soit nettement en avance sur son temps. Si elle est accueillie à l’époque avec enthousiasme, cette musique, qui fusionne tradition persane et électro d’avant-garde, est déroutante. La voix, presque privée de mots, est utilisée comme un moyen d’expression quasi corporel. Elle envoûte, déstabilise… Diamanda Galás, sors de cette gorge (« Got Away ») ! Horowitz n’en a cure : concentré sur la matière sonore, il enveloppe les onomatopées de sa compagne de route avec des nappes synthétiques et des effets percussifs… sans coup férir. La version 2022 de l’album est renforcée par trois inédits (dont le magnifique « Broken Vows »), loin d’être des fonds de tiroirs…
Précisons qu’à l’origine, « Desert Equations » servit de musique d’accompagnement pour le spectacle de dance « Azax Attra ». L’album aura révélé le talent de Horowitz, dont le nom fut conseillé à Bernardo Bertolucci qui lui confiera la bande sonore de « Un thé au Sahara » (1990). Suivront Oliver Stone, Bob Swain ainsi que plusieurs cinéastes marocains.
De son côté, Deyhim poursuivra ses expériences personnelles avec de grands noms : Peter Gabriel, Bill Laswell, Ornette Coleman, Jah Wobble, … et Richard Horowitz, bien évidemment !
Affaire à suivre !