Thumbscrew : Never Is Enough

Thumbscrew : Never Is Enough

Cuneiform Records / Mandaï distribution

J’avoue que je ne connaissais pas « Thumbscrew » et pourtant voici déjà leur septième petit. Ces trois-là se sont rencontrés un peu par le hasard d’une formation ou l’autre et ont illico senti que ça devait marcher entre eux.

Mary Halvorson, la guitariste dont le dernier passage à Liège était… aux Ardentes dans un improbable concert programmé en intérieur avec les « Young Philadelphians » de Marc Ribot , Michael Formanek, le contrebassiste à la palette stylistique s’étendant de Fred Hersch ou Joe Henderson à Wayne Krantz, Mark Feldman, Greg Osby ou Uri Caine, et enfin Tomas Fujiwara, batteur plongé dans des projets aux côtés de Chris Speed, Ambrose Akinmusire, Gerald Cleaver, Anthony Braxton ou John Zorn.

Les précédents albums de « Thumbscrew » alternaient dans « Ours » les compositions du trio et dans « Theirs » celles de musiciens comme Benny Golson, Wayne Shorter ou Misha Mengelberg, celui-ci plus dans la lignée avant-gardiste du trio. « Ours »et « Theirs » avaient été enregistrés lors de la même session au Smalls Studio à Pittsburgh. Le trio réitère ce modus operandi pour cette session, enregistrant « The Anthony Braxton Project », tribute au saxophoniste pour son 75e anniversaire, et ce « Never Is Enough » dans la foulée.

Avec « Never is Enough », leur nouvel opus, on retrouve le sens du partage dans l’équilibre des compositions : trois pour chacun. Et puis, avant de passer à la musique, il y a ces superbes compositions picturales/collages qui ornent la pochette, œuvres de Warren Linn (peut-être les anciens se souviendront d’une cover de PlayBoy Mag sur Frank Zappa ?).
L’album s’ouvre sur une composition éthérée de Fujiwara, où déjà l’empathie entre guitare et contrebasse domine. Dans une atmosphère plus rock, « Sequel to Sadness » de la guitariste maintient une tension soutenue par la batterie et un solo dynamique. On appréciera la variété des ambiances des compositions de Halvorson avec « Heartdrop », belle ballade qui sonne comme un standard. « Emoji Have Consequences » de Michael Formanek prend des couleurs abstraites dont chacun joue avec bonheur – superbe solo de Fujiwara – et qu’on retrouve dans « Scam Likely » une autre de ses compositions, où Formanek joue de la basse électrique y ajoutant des effets, créant un paysage surnaturel avec un étonnant duo avec Fujiwara, avant l’entrée de la guitare qui laisse planer l’esprit de Braxton, comme sur toute cette séance d’ailleurs.

La musique de Thumscrew est d’une telle densité qu’elle nécessite et mérite des écoutes répétées pour en saisir toutes les nuances. Un album à découvrir.

Jean-Pierre Goffin