
Tom Rainey Obbligato : Untucked in Hannover
On connaît surtout le batteur new-yorkais Tom Rainey comme un brillant sideman auprès de musiciens comme Tim Berne, Mark Helias, Fred Hersch ou encore Kenny Werner (je me souviens notamment d’un splendide concert donné par ce dernier avec Tom Rainey au festival Jazz à Liège, il y a une bonne vingtaine d’années). Il a attendu 2010, à plus de 50 ans, pour enregistrer son premier album en tant que leader : un trio (le bien nommé Tom Rainey Trio) avec la saxophoniste Ingrid Laubrock (par ailleurs son épouse) et la guitariste Mary Halvorson. Ce trio, plutôt free (c’est dans un registre plutôt avant-gardiste que Rainey a le plus souvent officié), a enregistré quatre albums très réussis. Parallèlement à ce trio, il a fondé un autre groupe, le Tom Rainey Obbligato, qui présente ici son 3ème album, un live, après « Obbligato » de 2014 et « Float Upstream » de 2017. Assez bizarrement (étant donné le « pedigree » de Rainey), ce groupe, ne propose que des standards et ce dans une configuration des plus classiques : un quintet (trompette, saxophone, piano, contrebasse, batterie). Lorsqu’on le questionne sur ce sujet, Tom Rainey rétorque que les standards du Great American Songbook font partie de l’histoire du jazz et qu’il en a très souvent joués avec Fred Hersch ou Kenny Werner. Donc des standards et dans une configuration classique… Mais connaissant notre bonhomme, on imagine que les interprétations de titres comme « Stella by Starlight » ou « I Fall in Love too Easily » n’ont rien de conventionnel. Et c’est bien cela l’intérêt de cet album enregistré dans un club à Hanovre en octobre 2018. Plutôt que de présenter ces classiques avec des musiciens prenant leur chorus à tour de rôle, ce projet mise sur un vrai travail de groupe où l’interaction est primordiale (les solos sont bien présents, mais ils sont le plus souvent intégrés dans le flux continu proposé). La relecture de ces classiques leur donne une nouvelle vie (il est vrai que, parfois, il est malaisé de reconnaître les thèmes) pleine de fraîcheur. Et que dire des interprètes : un quasi « all stars » qui, loin de tirer la couverture à soi, offre cette musique où la qualité d’écoute est essentielle. Outre Tom Rainey, on retrouve Ingrid Laubrock aux saxophones, Ralph Alessi à la trompette (splendides dialogues entre la trompette et le saxophone), Drew Gress à la contrebasse et Jacob Sacks au piano (lequel, ce soir là, remplaçait la pianiste habituelle, Kris Davis). Voici donc un bien bel album qui n’a qu’un seul petit défaut : il ne reprend que des titres apparaissant déjà sur les deux premiers albums studio et ce dans des versions assez similaires. Quand on connaît la richesse du Great American Songbook…