Trio Baleine : Chant

Trio Baleine : Chant

Pousse-Pousse Production / Inouïe

Le guitariste d’origine chilienne basé en France Miguel Castro nous avait gratifiés en 2021 d’un beau disque en quartet chroniqué dans ces pages (« Origin »). Le revoici, toujours sur le label Pousse-Pousse Production, au sein d’une nouvelle formation intitulée Trio Baleine, dont ce disque est le premier « Chant ». Le dossier de presse de l’album cite le quartet AlasNoAxis du batteur Jim Black comme inspirateur du projet. On pouvait donc s’attendre à une musique puissante construisant des ponts avec d’autres genres que le jazz : du rock à l’avant-garde en passant par l’électronique …
Et finalement, c’est bien ce que le trio Baleine délivre : une approche sans œillères, ouverte sur les différentes combinaisons qu’autorise un XXIe siècle décloisonné. Composé de Benoît Meynier au saxophone, de Miguel Castro à la guitare et de Pierre Martin à la batterie, tous trois compositeurs, le trio délivre une musique envoûtante où perce à l’occasion une dimension dramatique.
L’absence de basse, par rapport à AlaNoAxis, est ici compensée par le jeu protéiforme de Miguel Castro qui assure quelques belles introductions (« Bones for the Dog ») ainsi que les trames harmoniques des compositions sur lesquelles se déploie le saxophoniste. Ce qui ne l’empêche pas de s’envoler occasionnellement dans de belles improvisations et parfois, comme sur « Chant », dans d’exaltants contrepoints au souffleur. « Baleine City » a un côté post-rock lancinant. La mélodie y est splendide, le morceau emportant tel un courant marin au cœur d’un monde liquide aussi paisible que mystérieux. Le morceau qui referme l’album comprend un long passage dans lequel le batteur développe des figures rythmiques sur un bourdon avant le retour d’un jazz post-bop aventureux. Au-delà de l’influence assumée d’AlaNoAxis, le Trio Baleine a su insuffler ses propres ingrédients au rituel de son mentor, créant un autre univers aussi passionnant qu’original et qui, en réalité, n’a guère besoin de référence pour s’imposer.

Pierre Dulieu