Trois fois 88 touches
Les claviers volent haut en cet automne, la rédaction en reçoit en solo, duo, trio ou plus si affinités. Survol de quelques productions qui valent le détour.
Andy Milne and Unison
Time Will Tell
Sunnyside
Andy Milne n’est pas le plus connu des pianistes d’outre-Atlantique malgré un curriculum bien garni : pilier des Five Elements de Steve Coleman, accompagnateur de Ravi Coltrane et de Ralph Alessi, il fait partie du « Black Lives » mené par Reggie Washington et a enregistré chez Intakt Records avec Ingrid Laubrock le très bel album « Fragile ». On retrouve la saxophoniste en invitée sur quatre titres de son nouvel album, aussi Yoko Reinako Kimura au koto. Avec John Hébert à la contrebasse et Clarence Penn, il possède une rythmique hors pair qui met en valeur les huit compositions du pianiste (« Papounet » étant de la plume de Penn, « Broken Landscape » de Hébert). Entre le jeu délicat plein de surprises de Milne et les envolées rythmiques de compositions bien balancées – « Kumoi Joshi » est un petit bijou -, on est séduit par les sonorités originales du koto, par le jeu tout en subtilité de Laubrock, la finesse de Clarence Penn et la souplesse du jeu de Clarence Penn. Un très bel album.
Laurent Coq Trio
Confidences
Jazz&People
Dans la galaxie hexagonale des pianistes de jazz, le nom de Laurent Coq rappelle certes des albums bien lointains, mais n’était plus apparu sur nos radars depuis belle lurette. Et voici une de ses galettes qui tourne sur mon lecteur avec beaucoup de bonheur. En trio, avec deux musiciens qui sont bien plus frais dans nos souvenirs : Yoni Zelnik contrebasse et Fred Pasqua à la batterie forment la rythmique de « Lucky Dog » qui avait enregistré sur les hauteurs de Liège le « Live at Jacques Pelzer Jazz Club » avec Fred Borey et Yoann Loustalot. Une rythmique déjà bien soudée donc qui accompagne les huit séduisantes compositions du pianiste. Intensité et retenue sont les mots qui me viennent en premier à l’esprit à l’écoute de « Confidences », architecture aussi tant les morceaux semblent centrés sur une construction réfléchie. « L’Ange Madidjé » est particulièrement séduisant avec une mélodie qui vous tourne en tête. Lorsqu’on se laisse aller – ce qui finalement devrait être le cas lors de toute écoute – on est séduit par le mouvement, la richesse des interventions des partenaires du pianiste. Et puis surtout, un dernier thème « Mazurka pour Alain Jean-Marie » qui vous donne envie de danser.
Mathieu Marthouret Homeland(s)
LORI
We See Music
C’est principalement comme organiste que Matthieu Marthouret s’est fait connaître et a développé sa discographie : « Organ Quartet », « Bounce Trio » (avec Nic Thys et Gautier Garrigue). Mathieu Marthouret est revenu au piano pour le trio « Homeland(s) dont l’architecture est complètement originale : avec le guitariste Loïc Réchard et le joueur de tabla et percussions diverses Mosin Kawa, les couleurs du trio « traditionnel » sont bouleversées par les rythmes sans qu’il ne soit jamais question de réduire cette musique à de la « world » ou même à du jazz (même si quelques réminiscences bop surviennent discrètement sous les doigts du pianiste). On ne peut non plus comparer le rôle de Mosin Kawa à celui d’un batteur traditionnel, ne fût-ce que par la sécheresse de la frappe des tablas aussi par les rythmes et mélodies indiennes parfois chantées. Non, on est bien ici dans un projet totalement original, et qui, c’est sûrement essentiel, vous accroche, vous happe de la première à la dernière note.