Uhoda Jazz à Liège 2025

Uhoda Jazz à Liège 2025

Enrico Rava & Matteo Paggi © Dominique Houcmant

Pour sa trente-quatrième édition, le Festival liégeois optait à nouveau pour l’éclectisme avec, pour objectif, le croisement de publics intéressés par des genres différents. Du jazz… mais pas que !

En voici quelques moments forts… Oui, choisir, c’est renoncer. Mais parfois, compte-tenu des distances qui séparent les salles et les horaires serrés, choisir c’était surtout abandonner…

Jeudi 8 mai

Deux concerts attirent particulièrement mon attention. Celui d’Enrico Rava tout d’abord… A 85 ans (!), le trompettiste italien sait encore se tenir sur scène, mais surtout, il a su s’entourer d’une nouvelle génération de musiciens (le « Fearless ») qui apportent à sa musique festive une modernité bienvenue. Tout cela dans la salle mythique du Trocadéro… Rien que du bonheur !

Cap (au petit trot…) vers la Cité Miroir pour une ambiance radicalement différente (c’est le principe du festival, il faut s’adapter…). James Brandon Lewis nous y attend. Il preste régulièrement en Belgique et cette fois-ci, c’est en trio que nous le retrouvons, donc dans une formule différente de celle utilisée pour son nouvel album « Abstraction Is Deliverance » qui devait paraître chez Intakt quelques semaines plus tard. A ses côtés se postent l’immense bassiste (aux sens propre et figuré) Josh Werner et le discret mais efficace batteur Gerald Cleaver. Marc Ribot lui-même le décrit comme le nouveau Coltrane… Se méfier de ce genre de comparaison… et admettre qu’il y a dans le jeu et la musique de JBL une force et une spiritualité qui appartiennent à un autre monde. Conquis !

James Brandon Lewis © Robert Hanenne

Vendredi 9 mai

Erik Truffaz © Quentin Perot

Puisqu’il faut renoncer, j’opterai plutôt pour le nouveau jazz anglais de Mammal Hands que pour le décor fastueux de la Salle philharmonique qui accueille le duo Youn Sun Nah / Bojan Z. Avec ce constat : quelle que soit la musique qu’on y joue, le Reflektor offre aux spectateurs des conditions d’écoute impeccables ! Ce sera encore le cas pour le trio de Norwich dont la musique pourrait s’apparenter à un jazz electro-minimaliste. Mélodies simples et redoutables, arrangements hypnotiques, atmosphères cinématographiques. Ajoutez à cela un accueil chaleureux du public et il ne fait aucun doute que chacun y aura trouvé son compte…

Nous n’avons (malheureusement) pas le temps d’en écouter la fin que déjà nous devons nous enfuir pour le Trocadéro. Car l’heure d’Erik Truffaz a sonné et la coquette salle est déjà bien remplie. A propos d’ambiances cinématographiques, nous serons servis puisque l’essentiel du répertoire que Truffaz nous jouera repose sur son projet « clap ! », deux albums dédiés à des reprises de musiques de films ou de séries légendaires. « Fantomas », « Requiem pour un con », « Amicalement vôtre »… Cette bande sonore originale défile devant nous si rapidement qu’il nous sera impossible de s’ennuyer un seul instant. Standing ovation !

Mammal Hands © Quentin Perot

Samedi 10 mai

Nduduzo Makhatini © Robert Hansenne

Il était écrit que, décidément, cette trente-quatrième édition du festival serait une édition « cinéma ». Exceptionnellement, je sacrifierai une (bonne) partie de la soirée à un concert du Forum. Précisons : un spectacle au Forum. C’est l’ensemble de Philippe Glass lui-même (une petite dizaine de musiciens qui se répartissent les claviers, quelques vents et les voix) qui nous y attend pour un concert qui restera longtemps gravé dans ma mémoire.

A la musique puissante ou prenante de Glass sont associées les images fortes de Godfrey Reggio. Tout cela me revient peu à peu en tête (j’avais vu le film au cinéma – déjà au Forum ? – lors de sa sortie en 1982), ces images fortes accompagnées d’une musique au bord de la rupture… Epoustouflant ! Glass, c’est pas jazz du tout et pourtant on tient certainement là le concert mémorable de cette édition.

Après avoir applaudi énergiquement l’ensemble de Philip Glass, nous prenons la direction de la Cité Miroir pour y assister à un concert du pianiste sud-africain Nduduzo Makhatini. Il s’y produit en trio avec le batteur cubain Lukmil Perez et le contrebassiste très expressif Zwelakhe Bell Le Père. On y entendra de très beaux échanges spirituels, aussi bien sur la scène que de la scène au public. On ne parlera plus de découverte dans le chef de ce pianiste, mais bien de la confirmation d’un immense talent trop longuement caché.

Philip Glass Ensemble ‐ Michael Riesman © Jean Schoubs

Dimanche 11 mai

Traditionnellement, le dernier jour du Festival est un peu plus léger… Toutefois, avec Pierre Vaiana (à la Cité Miroir) ou le trio Hermia / Darrifourcq / Ceccaldi (Sauvenière) il y avait de quoi s’occuper… Pour ma part, je réponds à l’appel des sirènes en me rendant au Forum pour y entendre Arooj Aftab, dont la renommée en région liégeoise a explosé ces derniers jours. Se méfier des commentaires dithyrambiques… La salle est pleine à craquer (de nombreux fans « are here for you ! »), mais rien à faire… J’accroche pas, le show m’a semblé être insipide et sans reliefs. Ça manquait d’énergie, y compris dans les applaudissements du public. Grosse déception !

Arooj Aftab © Dominique Houcmant

Au Trocadéro, il y a Dominique A. Lui aussi escorté par une horde de fans qui n’étaient manifestement pas en mode « festival de jazz ». Le chanteur nantais lui-même l’avouera avec une pointe de cynisme : c’est à son contrebassiste de jazz (Sébastien Boisseau) qu’il doit l’invitation à ce festival. Pour notre bonheur, c’est certain. En configuration trio (complété par le claviériste Julien Noël), il nous offrira un répertoire rétrospectif couvrant… plus de trente années de carrière (déjà !). Chaque chanson est une merveille : « Eléor », « Le courage des oiseaux », « Chanson de la ville silencieuse », « Au revoir mon amour »… Quel beau moment passé en leur compagnie !

Dominique A © Dominique Houcmant

Clap sur cette édition, que vive l’Uhoda Jazz à Liège 2026…

Yves Tassin