Vacanze romane : Si puo fare jazz (2/2)
Ce samedi 28 août, nous publiions la première partie d’un reportage consacré au festival de jazz romain « Si puo fare Jazz ». En voici la suite…
Concert 3 (19/07/2021) : Bill Frisell Trio
Quel plaisir de voir ce Bill Frisell, guitariste au son immédiatement reconnaissable, qui a toujours eu envie d’explorer. Le jazz bien sûr, mais aussi le blues, la country, le folk, le noisy, la musique de films et j’en passe. Ce soir, il est accompagné de Thomas Morgan (contrebasse) et Rudy Royston (batterie), soit les deux musiciens qui l’accompagnent sur son merveilleux dernier album (« Valentine ») et fidèles collaborateurs depuis de nombreuses années. Cette complicité entre les musiciens se remarquera tout au long d’un concert joué sans la moindre interruption pendant une heure quarante : les thèmes (principalement provenant de « Valentine ») se succèdent avec fluidité… Il est d’ailleurs certain que j’ai dû louper quelques passages d’un morceau à un autre, tant ces glissements sont faits avec un naturel tel que l’on croirait entendre une œuvre unique. Il y a des improvisations de chaque musicien s’imbriquant parfaitement à l’ensemble, et ce dans le style Frisell (un « americana » ancré dans la tradition, mais en, même temps, si personnel), pouvant passer avec une telle aisance d’un genre à un autre. Très très grand. Rappelons que Bill Frisell, avec ce même groupe, sera présent au prochain Mithra Jazz de Liège le 24 septembre au Trocadéro. A voir absolument.
Concert 4 (20/07/2021) : Paolo Fresu Heroes
Paolo Fresu a fêté cette année ses 60 ans. Il l’a fait de façon plus légère que pour ses 50 ans (rappelons-nous ces 50 concerts en 50 jours successifs en 50 endroits différents de sa Sardaigne natale dans 50 formules différentes en juillet et août 2011…). Il postait le 10 février dernier une vidéo le filmant dans diverses formules (en trio avec le contrebassiste Marco Bardoscia et le pianiste Dino Rubino, en duo avec le bandonéoniste Daniele di Bonaventura ou avec le quatuor à cordes Alborada) entouré de milliers de livres, dans plusieurs salles de la bibliothèque municipale de l’Archiginnasio de Bologne, la ville où il réside. Il a également sorti un triple album (« 60 ») dans lequel on retrouve une version remastérisée de « Heartland » (enregistré à l’origine en 2001 avec David Linx et Diederik Wissels) et deux œuvres nouvelles : le très beau « The Sun on the Sea » (en trio avec Daniele di Bonaventura et le violoncelliste brésilien Jaques Morelenbaum) et « Heroes », un hommage à David Bowie et à ses compositions. C’est ce dernier projet que Paolo Fresu présente cet été en concert. Il est accompagné de Petra Magoni (la voix de Musica Nuda), Francesco Diodati (guitare), Francesco Ponticelli (basse), Christian Meyer (batterie) et Filippo Vignato (trombone et claviers). Autant le dire de suite : le disque m’avait laissé assez indifférent, voire m’avait irrité à certains moments alors que j’apprécie et Paolo Fresu et David Bowie. En cause : la voix de Petra Magoni qui ne convient pas du tout à ce projet. Elle « en fait beaucoup trop » et rajoute des effets vocaux complètement superflus. Voulant donner une deuxième chance à ce projet, je suis donc allé à ce concert donné, quant à lui, à la Cavea de l’Auditorium della Musica, une espèce d’amphithéâtre moderne pouvant contenir 3.000 personnes assises en temps normal. Ce soir, distanciation oblige, il y aura entre 1.000 et 1.500 personnes. L’impression que j’avais eue du disque se confirme : Petra Magoni abuse d’effets vocaux. En outre, elle joue la rock-star par moments… Dommage, car le reste du groupe est à la hauteur et le prouvera lors du meilleur moment du concert à mon avis : une version réarrangée de « Warszawa », ce splendide instrumental de l’album « Low » que l’on ne retrouve pas sur l’album de Fresu… Ceci dit, le public a adoré le concert et a fait une ovation à Paolo Fresu et au reste du groupe.
23/07/2021 : Aldo Romano-Enrico Rava Quartet
Comme je me réjouissais d’assister aux retrouvailles de nos deux frais octogénaires dans un tout nouveau projet, accompagnés de Baptiste Trotignon au piano et de Daryl Hall à la contrebasse. Hélas : Enrico Rava était souffrant et le concert fut donc annulé (reporté au 4 septembre. Mince : je serai bientôt à nouveau à Rome, mais seulement à partir du 9 septembre…).
Concert 5 (24/07/2021) : Avishai Cohen Big Vicious
« Big Vicious » d’Avishai Cohen (le trompettiste) a été, à mon avis, un des albums marquants de 2020. Entouré de musiciens israéliens, il a surpris son monde avec ce mélange de musique électronique, de hip hop, d’ambient, de rock, le tout mâtiné de jazz et de psychédélisme. Les similitudes avec le Miles Davis dernière époque sont assez flagrantes, sauf qu’Avishai Cohen joue beaucoup plus que Miles. N’ayant pratiquement pas pu défendre son album en public à sa sortie pour les raisons que nous connaissons, il a entrepris cet été une tournée qui fut de suite perturbée pour des motifs similaires : un des deux batteurs n’a pas su quitter son pays, étant positif au Covid lors d’un dernier test… Car, en temps normal, Big Vicious, c’est deux batteurs, deux guitaristes (un jouant les parties de basse) + Avishai Cohen (sa trompette + tous ses effets électroniques). C’est dire la puissance que dégage ce groupe ! Malgré ce souci, ce concert fut une belle réussite et a rempli toutes ses promesses. Il faut d’abord signaler qu’Avishai Cohen est un habitué des lieux (il a souvent joué dans la villa), endroit qu’il adore et il le fait savoir… Il y avait donc un esprit extrêmement positif et cela se sent dans la dynamique du groupe et dans sa relation avec le public. Le répertoire est constitué exclusivement d’extraits de l’album « Big Vicious » avec ses moments forts que sont les reprises de « Moonlight Sonata » (Ludwig Van Beethoven) et de « Teardrop » (Massive Attack), ainsi que l’entraînant « King Kutner ». On en redemande.
«Vous savez maintenant qu’il y a un « place to be » à ne pas rater lors de votre prochain séjour romain.»
Concert 6 (25/07/2021) : Yamandu Costa & Martin Sued
Pour mon dernier concert romain, je fis une plongée dans l’inconnu : je ne connaissais ni le guitariste brésilien Yamandu Costa ni le bandonéoniste argentin Martin Sued. La Casa del Jazz en disant le plus grand bien et me trouvant à Rome… Et ce fut le choc. Yamandu Costa commença le concert seul avec sa guitare à sept cordes et nous plongea dans de longues compositions-improvisations très personnelles, avec un parfum de musique brésilienne (bossa-nova, choro, samba). Au tiers du concert, il fut rejoint par Martin Sued. Le voyage se déplaça alors vers l’Amérique latine toute entière, avec quelques tangos (centenaire de la naissance d’Astor Piazzola) bien envoyés et même des incursions vers le flamenco et ce joué avec flamboyance et un enthousiasme certain. Très belle découverte. Les quelque 3-400 personnes présentes semblaient très bien connaître et ont fortement apprécié.
Voilà… Ces concerts auraient dû se terminer le 26 avec Rymden, mais on apprit début juillet que leurs concerts de fin du mois étaient supprimés… Vous savez maintenant qu’il y a un « place to be » à ne pas rater lors de votre prochain séjour romain (sans oublier le Vatican, le Colisée, le Forum,…).