Yoann Loustalot : le son de l’âme

Yoann Loustalot : le son de l’âme

Depuis « Live at the Jacques Pelzer Jazz Club », enregistré en 2017 au sein de Lucky Dog avec le saxophoniste Frédéric Borey, les projets se sont succédé pour le trompettiste Yoann Loustalot : « Happy Hours » en 2020 avec le batteur Christophe Marguet, « Slow » en 2019 avec Julien Touéry, le pianiste du quartet d’Emile Parisien, « Old and New Songs », toujours avec Marguet, autour de thèmes traditionnels de différents pays ou « Atrabile » avec Aérophone et Glenn Ferris en invité. Et, pour couronner le tout, une participation aux albums « Drum Thing » de Daniel Humair et « Reborn » d’Aldo Romano. Enfin, bientôt, un hommage à Don Cherry avec le saxophoniste Pierrick Menuau. Un beau parcours pour celui que vante Enrico Rava : « Yoann Loustalot est comme une fleur rare. Ce n’est pas juste un beau son, c’est le son de l’âme. »

Yoann Loustalot © Robert Hansenne

Yoann Loustalot © Robert Hansenne

Tu m’as dit que, la semaine dernière, tu étais en studio, pour quel projet ?
Yohann Loustalot : Un projet de Pierrick Menuau, un hommage à Don Cherry qu’on a présenté notamment au Pelzer, avec Julien Touery au piano, Santi Debriano à la contrebasse et Barry Altschul à la batterie. Au départ, il s’agissait essentiellement de jouer des compositions de Don Cherry. Le projet a évolué : Julien est toujours au piano, Christophe Lavergne est à la batterie et Sébastien Boisseau à la contrebasse, essentiellement autour de compositions de Pierrick. Le projet d’album repose maintenant sur des compositions à moi et à Julien, mais en restant un hommage à Don Cherry.

Tu as participé à l’album « Drum Thing » de Daniel Humair. Comment s’est faite cette rencontre ?
Y.L. : Au départ, c’est Stéphane Kerecki qui m’a invité à rejoindre ce groupe de Daniel, avec Vincent Lê Quang aux saxophones. Stéphane gère ce trio avec Daniel. Celui-ci était à la recherche d’un trompettiste. Il m’a contacté et cela s’est fait naturellement autour de compositions co-écrites par Daniel et Stéphane et d’improvisations collectives avec quelques directions données par Daniel. Les compositions ont été conçues de manière originale. Daniel apporte des rythmes et Stéphane les mélodies et les harmonies. Il s’agit d’une belle collaboration. Moi, j’interviens sur six plages de l’album, des compositions comme « Drum Thing » ou des improvisations comme « Prologue » et « Epilogue ».

Pourquoi avoir choisi de ne jouer que du bugle pour cet album ?
Y.L. : Je ne sais plus si c’est Daniel qui me l’a demandé ou s’il s’agit d’un choix personnel. Le bugle sonne mieux avec le saxophone.

«Glenn Ferris est un musicien exceptionnel. J’aime me coller au son de son trombone.»

Tu as aussi participé à l’album « Reborn » d’Aldo Romano…
Y.L. : En 2019, le club Le Triton avait proposé quatre cartes blanches à Aldo. L’une avec Enrico Rava, une autre avec Henri Texier et Géraldine Laurent, la troisième avec Jasper van’t Hof et la quatrième avec Palatino au sein duquel j’ai remplacé Paolo qui n’était pas disponible. L’album est une compilation de ces quatre soirées. Palatino, avec Glenn Ferris au trombone. Michel Benita, à la contrebasse, intervient sur deux plages dont « Twenty Small Cigars » de Zappa, un thème qu’il a proposé. J’aime beaucoup ce groupe avec lequel on a fait une tournée sympathique. Palatino propose une musique joyeuse, des morceaux d’Aldo, de Glenn ou de Paolo. Moi, je n’ai pas eu l’occasion de composer pour le quartet.

C’était l’occasion de retrouver Glenn Ferris que tu avais invité avec le groupe Aérophone en 2016…
Y.L. : C’est un vrai plaisir de jouer avec Glenn, c’est un musicien exceptionnel, il a un son formidable. J’aime le retrouver pour me coller au son de son trombone. Et, humainement, c’est une belle personne que j’ai plaisir à retrouver.

««Slow» est conçu comme un éloge au calme. Le choix était délibéré de ne pas avoir de morceaux rapides.»

Tu as aussi participé à l’album « Happy Hours », avec Julien Touéry et Hélène Labarrière…
Y.L. : Oui, autour des compositions de Christophe Marguet, qui sont le reflet de son univers. Malheureusement les concerts ont disparu avec le confinement, on espère reprendre bientôt mais ce n’est pas gagné. Il a écrit de belles compositions comme « Organique » ou « Dear Don », là aussi un hommage à Don Cherry. Christophe aime beaucoup cet univers avec des influences africaines. Et, dans ce quartet, je retrouve Julien Touéry que je croise souvent.

On le retrouve notamment dans l’album « Slow » de 2019…
Y.L. : « Slow » est un projet à tous les deux, conçu comme un éloge au calme, autour de nos compositions. J’adore jouer avec Julien. C’était un choix délibéré de notre part de ne pas avoir de morceaux rapides. Au départ, on  en avait mais on les a retirés. On a construit l’album autour de ballades, de rencontres, avec une recherche de couleurs qui peuvent évoquer des paysages nordiques, des paysages enneigés ou des fjords, ce qui a donné le titre à une composition. A l’époque, nous avons écouté beaucoup de musiciens norvégiens, ce sont des influences qui ressortent inévitablement.

François Chesnel, Fred Pasqua et Fred Chiffoleau © Bruit Chic

«Old and New Songs est la première mouture du groupe actuel, autour de thèmes folkloriques, traditionnels, venant de différents pays.»

En 2017, tu as enregistré « Old and New Songs », déjà avec Christophe Marguet…
Y.L. : C’était la première mouture du groupe avec Christophe, François Chesnel et Frédéric Chiffoleau, autour de thèmes folkloriques, traditionnels venant de différents pays comme le Japon, la Russie, l’Italie ou la France. Moi, j’avais choisi de reprendre « Bachianas Brasileiras » de Villa Lobos, une composition que je connais depuis l’âge de 17 ans. Le 12 mars, un deuxième disque va sortir, cette fois avec Fred Pasqua à la batterie. On a fait une tournée de trois semaines en Russie, autour de chœurs, venant du Japon ou de Russie comme ce chant que j’ai enregistré sur mon téléphone en Russie. On traite ces thèmes traditionnels comme des standards, avec des arrangements qui ne sont pas sophistiqués, mais imaginés de manière simple. A l’étranger, les gens se reconnaissent autour de ces mélodies et de ces harmonies qui ont comme point commun la simplicité.

L’aventure de Lucky Dog avec Frédéric Borey se poursuit-elle ?
Y.L. : Elle ne se poursuit pas par la force des choses… Chacun est .parti dans ses projets personnels. Par exemple, Fred avec son trio Butterflies. Moi, avec Slow ou Old and New Songs. J’ai aussi un projet avec Fred Pasqua, le batteur de Lucky Dog : Moon river, avec Nelson Veras à la guitare et Yoni Zelnik à la contrebasse. Avec Lucky Dog, on a beaucoup joué, on peut reprendre un jour ou l’autre.

«Je n’ai plus qu’un seul exemplaire de «Primavera». Il faudrait le rééditer.»

Ton premier album, en 2006, s’appelait « Primavera »…
Y.L. : J’adore ce groupe avec Maxime Fougères à la guitare, Yoni Zelnik à la contrebasse et Guillaume Nouaux à la batterie. Je n’ai plus qu’un exemplaire de l’album, il faudrait le rééditer.  On a beaucoup joué dans un bar à Paris. On jouait ma musique, pas de reprises. J’ai contacté un label qui a accepté le projet. L’album a été bien accueilli, notamment avec un « Choc » dans Jazzmag. Je ne jouais que du bugle. J’adore la sonorité d’Art Farmer que j’écoutais beaucoup à l’époque, avec Jim Hall à la guitare dans son groupe.

«La réaction de Enrico Rava était sympa : elle m’a beaucoup flatté et encouragé.»

En 2018, tu as rencontré Enrico Rava qui t’a gratifié d’un beau compliment à propos de ton bugle : « ce n’est pas seulement un beau son, c’est le son de l’âme »…
Y.L. : C’était sympa de sa part, cette réaction m’a beaucoup flatté et encouragé. J’adore Enrico Rava depuis longtemps : c’est un grand musicien qui joue magnifiquement et a mené sa longue carrière avec de nombreux et beaux projets. On s’est rencontré, il y a trois ans, lors d’un festival. On jouait le même soir. Je lui ai proposé de faire une interview ensemble, il a accepté (l’interview a été mise en ligne sur le site de nos amis de Jazz’halo – NDLR), On a alors échangé des disques et le lendemain, il m’a envoyé ce texte très gratifiant.

«On a aucune info sur une reprise ou sur la réouverture des salles de concerts. C’est une vraie catastrophe.»

Quelle est la situation des musiciens en France en cette période de confinement ? Y a-t-il un espoir de reprise prochainement ?
Y.L. : On n’a aucune info sur une reprise, sur la réouverture des salles de concerts. C’est une vraie catastrophe. J’ai eu des concerts supprimés en février, en mars, certains même en mai ou juin… Ce n’est pas bon signe. Heureusement, j’ai encore la chance d’être reconnu comme intermittent du spectacle. Et en Belgique, comment cela se passe-t-il ?

Il y avait eu une reprise limitée durant l’été, maintenant tout est bloqué. Certains musiciens se limitent à du streaming…
Y.L. : Le 20 mars, il y aura une séance de streaming sur France Musique, pour le « Jazz Club » d’Yvan Amar qui est venu nous filmer au Triton : le trio du vibraphoniste Philippe Macé, moi à la trompette et Stéphane Kerecki à la contrebasse. Les projets existent, on attend le retour du contact avec le public.

François Chesnel, Frédéric Chiffoleau, Yoann Loustalot & Fred Pasqua
Sleeper Train
Bruit chic / Inouïe Distribution

Chronique JazzMania

Propos recueillis par Claude Loxhay