Youn Sun Nah : Waking World
Youn Sun Nah en expliquera les raisons dans son interview, voici un album de la chanteuse coréenne comme on pouvait le pressentir un jour ou l’autre. Car si Youn Sun Nah a démontré à de multiples occasions qu’elle était une voix exceptionnelle, elle a toujours donné l’impression d’en douter un peu elle-même. Alors, sortir un album au répertoire écrit de sa plume de A à Z a dû lui demander un dépassement de soi qu’on peut imaginer. Interprète magistrale de Scriabine ou d’Albéniz, de Joni Mitchell ou de Jimi Hendrix, d’un traditionnel coréen ou irlandais, de pièces techniquement brillantes comme « Moment Magico » ou de ballades au lyrisme à fleur de peau comme « No Other Names », Youn Sun Nah s’était déjà aussi frottée à la composition – le superbe « Lament » de l’album « Lento ». De là à écrire un album complet, il y a un pas que la chanteuse a franchi avec autant de réussite que pour ses albums précédents, mais en se consacrant principalement sur l’intériorité des dialogues avec elle-même, avec ses craintes et ses questionnements, ses douleurs et ses joies.
Composé en Corée et enregistré à Paris « Waking World » est une sorte de portrait intime où Youn Sun Nah se révèle comme elle ne l’a jamais fait. On découvre une chanson pour sa mère, un souvenir de voyage à Las Vegas, le confinement, les craintes d’un monde qui se ferme, autant de thématiques inspirées par deux douloureuses années d’isolement. Pour habiller ses textes, Youn Sun Nah n’a pas cherché l’explosivité des albums précédents – déjà moins marquée dans « Immersion » – mais s’est voulue en accord avec ses état d’âmes : des effets électro discrets, un accompagnement subtil où les sonorités d’Airelle Besson collent parfaitement au propos, une atmosphère intime qui marque l’ensemble de l’album, d’une cohérence parfaite de bout en bout. Sans doute les esprits chagrins diront que ce n’est pas du jazz (mais les albums précédents en étaient-ils vraiment ?). Et bien oui, Youn Sun Nah touche plutôt au monde de la pop, mais avec une élégance rare, une recherche dans les arrangements et une profondeur dans les textes qui touche au blues… Et le blues, n’est-ce pas déjà du jazz ?
Youn Sun Nah en interview dans JazzMania ce mercredi 23 février.