The Watershed, Inhale/Exhale
The Watershed, Inhale/Exhale
Sur la scène jazz, nous aimons voir du neuf. Plus encore, nous aimons quand le jazz s’affirme résolument comme une musique d’aujourd’hui, comme une musique impensable seulement une décennie auparavant. Cette fraicheur tant espérée prend des formes multiples et se manifeste aussi bien en bousculant des règles d’écriture qu’en trouvant le moyen d’électrifier un saxophone. Avec des résultats variables. Toutes ces tentatives poussent à la réflexion et ce sont elles qui étendent, toujours plus, le territoire du jazz. Avec The Watershed, ce sont bel et bien des résultats variables. Variables dans les styles proposés, dans les ambiances explorées et dans les instruments utilisés. Seule la qualité des quatre musiciens – Tony Paeleman (claviers), Christophe Panzani (saxophone), Pierre Perchaud (guitare) et Karl Jannuska (batterie) – ne varie pas : elle est excellente.
Pour présenter leur premier album, le groupe était sur la scène du Sunset (Paris), le 10 février dernier, durant la première partie de soirée, la seconde étant occupée par un autre projet de Paeleman, “117 Elements”. La substance principale de la musique de The Watershed est qu’elle est entièrement improvisée. Si l’improvisation est une composante évidente du jazz, c’est assez peu fréquent qu’un groupe propose plus d’une heure de concert d’improvisation libre. Pour décrire leur musique, en limitant les expressions verbeuses qui failliraient à retranscrire sa richesse, limitons-nous à dégager un style. Le quartet pratique un jazz moderne, fréquemment électrique qui bascule aussi bien dans quelque chose de rock et lourd que vers des sonorités acoustiques et délicates. Pour ce concert, de nombreux instruments s’entassent sur la petite scène du Sunset : saxophone, clarinette, Rhodes, divers claviers, guitare électrique et acoustique, batterie et percussions. Le sol est saturé de pédales à effets; les musiciens peinent à rentrer sur scène. Cette brève description restitue le contexte dans lequel évolue le groupe : une scène remplie d’instruments et quatre musiciens qui se connaissent bien et maitrisent pleinement leur musique.
Les concerts improvisés ont toujours quelque chose d’envoûtant : on assiste à une musique qui se créée dans l’instant. Au cours des morceaux, la musique se structure petit à petit, se stabilise quelques instants puis se déstructure pour repartir dans une nouvelle direction. La plus grande habilité des musiciens résidant dans leur capacité de faire vaciller les morceaux à chaque seconde, vers quelque chose de nouveau ou d’inattendu. Si le groupe est à voir en concert, le contenu de l’album est à découvrir avec autant de curiosité. En effet, celui-ci est également le résultat d’une musique improvisée et contient quarante-cinq minutes de musiques enregistrées d’une traite et réparties en douze morceaux. De plus, la sortie du premier album de The Watershed accompagne un autre évènement. À cette occasion, les quatre musiciens du groupe ont décidé de fonder leur propre label, Shed Music !. Une initiative intéressante pour promouvoir les différents projets musicaux en commun et en solo. C’est ainsi qu’en plus de The Watershed, un EP du groupe 117 Elements (Panzani et Paeleman accompagnés de Julien Herné (basse) et d’Arnaud Renaville (batterie) vient de sortir. Ce sera ensuite au tour de Karl Jannuska de publier un album solo en mai 2016, qu’on ne peut désormais attendre qu’avec un peu plus d’impatience.
Lucien Midavaine