Pépites #72, Around Jazz
Around jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus.
Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Kneebody,
Chapters
Kneebody ! Ce patronyme en forme de jeu de mot tiré par les cheveux leur avait été affectueusement offert par la petite amie du saxophoniste. En boutade : « Au juste, les gars, c’est quoi votre musique ?! Votre Style ??? ». Personne n’aurait pu lui répondre, et en effet, Kneebody n’y accordera jamais la moindre importance. On peut affirmer néanmoins que la musique de Kneebody aura toujours (et depuis leurs débuts qui remontent à plus de quinze ans…) été une question de sons, d’énergie… Soit, mais en quoi le quintet américain se montrait-il supérieur aux autres ? Pour ses mélodies pop posées sur des improvisations de jazz ? Oui, sans doute. Kneebody a toujours su se remettre en question, disque après disque, au gré des invitations lancées par le groupe. Par exemple, la chanteuse Becca Stevens ici, ou l’électron libre de l’électro Daedelus hier. Si ce n’est le recul pris par le bassiste fondateur Kaveh Rastegar qui a choisi de se tourner vers de nouveaux objectifs, la ligne de mire suit toujours le même chemin. Ce qui se traduit donc par un changement de cap habituel. Ce «Chapters» publié cette fois chez Edition est déroutant quoique annoncé par l’EP de reprises compilées quelques mois plus tôt sous le nom « By Fire ». Des coudées franchement rock, des lignes mélodiques franchement pop… Déroutant, mais aussi passionnant !
Yeliz Trio,
Moon Palace
Deux d’entre eux ont connu les joies d’une formation classique. Mathieu Bélis (piano) et Nicolas Carpentier (violoncelle) n’en démordront pas, car ils sont conciliants : jazz et musique classique évoluent en bons termes. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux grands « maîtres », leurs démiurges à eux… Chick Corea, Esbjörn Svensson ou encore Keith Jarrett ont croisé bien avant eux les deux genres pour créer un jazz moderne, aux frontières de contrées qui doivent encore être explorées. Ils sont d’ailleurs tous cités dans la note biographique qui accompagne ce cédé. On a aussi parlé d’un jazz « métissé » pour décrire la musique de Brahem (Orient) et de Gismonti (Amérique du Sud). Et c’est là qu’intervient le troisième larron du trio. Thomas Ostrowiecki (percussions) a parcouru le Monde sous toutes latitudes pour en extraire une matière qui complète parfaitement le jeu de ses comparses. C’est dans cette nouvelle cohérence que le trio trouve son plus bel équilibre. Lorsqu’il se laisse dériver lui-même, sans contrôle. Juste emporté par un instinct qui ne vous trompe pas… Vers la Lune ?
Andy Shauf,
The Neon Skyline
Retour aux sixties, les fameuses sixties « pop ». Celles des chansons boisées de deux minutes que l’on chantait assis en rond autour des feux de camps. Façonnées « Beatles ». Et même Paul McCartney pour être plus précis, le plus « pop » du quatuor. Avec une touche « fun » de Ringo, ok… Ou à la manière d’un Paul Simon, affublé ou non de son Garfunkel… Avec, sur fond de belles mélodies, des histoires et des personnages qui défilent dans les couplets/refrains. Parfois, même, que l’on retrouve d’une chanson à l’autre. Ce faisant, nous venons de vous décrire avec précision «The Neon Skyline», le nouvel album (le quatrième si nous comptons bien) du barde canadien Andy Shauf. Le disque de ce multi-instrumentiste (il joue quasiment tous les instruments) ressemble à un recueil de petites scénettes élégantes. Sans nostalgie particulière, sans arrangements complexes… Des chansons que Andy Shauf a confectionnées depuis la banquette qu’il occupe discrètement et régulièrement dans un bar – sans doute appelé le « Neon Skyline ». Depuis cet emplacement stratégique, il a vu défiler nos vies, nos histoires, qu’il nous ressert joliment sur une platine. Parfait pour le concept des « pépites » : c’est du jazz, mais pas tout à fait non plus…
Andy Shauf en concert au Botanique, Bruxelles, le mercredi 25 mars.
Joseph « YT » Boulier