Nik Bärtsch : Entendre
Fred Hersch, Joachim Kühn et bientôt Martial Solal (pour d’autres raisons) : ils sont nombreux ceux qui ont mis « à profit » les périodes de confinement pour concevoir un disque en solo. Le piano est certainement l’instrument qui s’y prête le mieux. Contrairement à ceux que l’on vient de citer et auxquels on rajoutera Keith Jarrett ou Chick Corea, on considère Nik Bärtsch avant toute chose comme un arrangeur, un concepteur. Plus qu’un pianiste. En configuration acoustique « Mobile » (voire « Mobile Extended » avec ajout de cordes) ou en formation « Ronin » (un groupe de zen-funk comme il aime le qualifier), le pianiste zurichois est avant tout un relayeur d’émotions dont les influences s’étendent du funk à la musique classique contemporaine, en passant par le jazz, bien évidemment. Livré ici à lui-même, Bärtsch se confronte à son propre comportement, à une logique mathématicienne (ah ! Ces fameux modules!) dont il dénoue le mystère en appuyant sur les touches de son piano. Immanquablement, les minimalistes américains ressurgissent de sous le couvercle. Le « Modul 26 » en est un exemple parfait… et contradictoire, quand un swing discret vient bousculer la logique des formules. Si vous l’attendiez « au tournant », vous serez à nouveau conquis. En solo également, Nik Bärtsch parvient à nous transporter dans cet univers implacable où virtuosité et émotions s’interpellent tour à tour pour former un dialogue qu’aurait apprécié Erik Satie (« Modul 13 »). Bref, il nous invite à « l’entendre » en ajoutant quelques modules (et un titre « Déjà-vu, Vienna », c’est plutôt exceptionnel) à un édifice qui ne demande qu’à s’enrichir.
Retrouvez Nik Bärtsch en interview sur notre site ce mercredi 31 mars.
Yves «JB» Tassin