Picidae, le chant du pic
Nous tenions à vous faire découvrir ces oiseaux-là dont le dernier album en date – « A Stray Labyrinth » – ne quitte pas notre platine. Rencontre nordique avec la chanteuse / multi-instrumentiste Sigrin Tara Overland.
Pouvez-vous nous présenter brièvement Picidae ?
Sigrin Tara Overland : Mon nom est Sigrin Tara Overland et je suis la moitié du duo Picidae qui est aussi composé d’Eirik Dorsdal. Je chante, je compose les chansons, les paroles et je joue de différents instruments à cordes (harpe, guitare…) et lui joue de la trompette, s’occupe des effets spéciaux et fait aussi quelques voix.
Êtes-vous des musiciens professionnels ?
S.T.O. : Nous sommes allés à l’école ensemble et lui est devenu un musicien professionnel. Moi, j’ai une seconde occupation, je travaille dans une association qui promeut le jazz et j’en joue aussi.
Comment prononce-t-on Picidae et qu’est-ce qu’il signifie ?
S.T.O. : Oh c’est un nom latin et il y a différentes façons de le prononcer « Pissidae, Pikidae, Pitchidae »… C’est ce dernier que nous utilisons le plus, mais les gens peuvent choisir. (rires) Même nous on change ! Et il signifie pic vert ! J’adore les animaux, les oiseaux particulièrement. Un journaliste, après un concert, m’a dit qu’il s’était bien concentré et qu’il avait ressenti que je connectais les choses avec la nature. C’est vrai que quand j’écris sur une relation amoureuse ou sur les relations père / fils par exemple, cela concerne des animaux ! Cela me fascine.
«On l’a regretté de nombreuses fois, ce nom. Mais c’est trop tard !»
Cela ne facilite pas les choses…
S.T.O. : On l’a regretté de nombreuses fois ce nom ! Mais c’est trop tard ! (rires) Concernant notre passé musical, nous avons étudié ensemble au Conservatoire. Eirik a joué dans plusieurs formations et il en a encore beaucoup à l’heure actuelle ! J’ai aussi joué dans plusieurs groupes puis est venu le moment de n’en choisir qu’un et c’est Picidae que j’ai gardé. Parfois, je collabore vocalement et avec mes instruments à cordes sur d’autres albums, mais c’est Picidae l’important. Eirik à d’autres projets avec un quartet, avec un chanteur palestinien.
Des groupes de jazz ? Car Picidae est plus pop, soul ?
S.T.O. : J’ai grandi avec différents backgrounds, ma mère aime la musique de la Renaissance, mes parents jouent de la musique latino-américaine et mon père aime le folk. Eirik vient du jazz, des big bands, mais aussi de la musique classique. Donc je pense que notre musique est un mix de tout cela.
Et qu’écoutez vous principalement comme musiques ?
S.T.O. : Beaucoup de choses différentes pour autant que ce soit de qualité. J’adore le jazz acoustique et moderne, j’en joue, mais j’aime aussi la musique électronique et par le passé, j’ai aussi joué dans des groupes de rock. Je chantais et je me défoulais. Une chanson sur le dernier album m’a été inspirée par les Pixies ! J’ai grandi avec ce groupe et je les adore !
En l’espace de quelques semaines, nous allons interviewer Sinikka Langeland et Mari Boine. Vous vous trouvez un peu dans le même univers…
S.T.O. : Tout cela vient de la Norvège et nous avons le même passé musical, fortement influencé par la musique folk. On écoute cette musique depuis l’enfance, un chanteur folk venait jouer chez nous et il m’a appris beaucoup de choses. Je pense que ce que tu as écouté en étant jeune influence la musique que tu joues ensuite. Dans ma musique, influencée par ce que j’entendais à la maison, j’entends celle de la Renaissance, un peu de REM, un peu de jazz et de la musique électronique.
«Il n’y a pas besoin de créer beaucoup de sons pour s’exprimer. On peut jouer sur le silence virtuel.»
Il y a un côté expressif, presque « soul » dans ta voix, une instrumentation dépouillée et de grandes harmonies… Est-ce le fait d’être un duo qui vous fait tendre vers cela ?
S.T.O. : Ah bon, tu entends cela ? (rires) J’ai joué dans un ensemble imposant de 14 musiciens, mais quand je compose, je désire que cela soit retenu. Tout en restant assez puissant. Il n’y a pas besoin de créer beaucoup de sons pour s’exprimer, on peut jouer sur le silence virtuel !
En écoutant votre musique, il n’est pas évident de deviner que vous faites partie de la scène norvégienne…
S.T.O. : (Rires) C’est normal ma mère est d’origine écossaise, américaine et est bouddhiste ! (rires)
Vous prenez votre temps entre deux albums. Sept ans se sont écoulés entre les deux derniers…
S.T.O. : Eirik a trois enfants, j’en ai deux puis il y a eu le covid. On a malgré tout travaillé, séparément, pendant cette période difficile. Il y a un orchestre symphonique sur un titre et nous avons dû le partager en deux lors de l’enregistrement. Dans des pièces séparées. Une période difficile. Ce fut un moment fantastique de collaborer avec cet orchestre, les arrangements sont superbes et ma musique n’a jamais « sonné » aussi bien ! Mais je veux m’en tenir au duo, même si sur le prochain album il y aura un troisième musicien. Mais c’est toujours moi et Eirik, moi et Eirik, moi et Eirik ! (rires)
Vous êtes un couple ?
S.T.O. : Non, nous habitons en Norvège, lui dans le Nord, moi dans le Sud (elle montre la distance sur son bras, entre la main et le coude – NDLR). C’est aussi éloigné que la distance qui sépare l’Italie de la Norvège… Si nous ne faisons pas des concerts, on se voit une fois l’an ! C’est aussi une des raisons qui explique l’attente entre deux albums.
«Quand on se retrouve, peu importe le nombre de musiciens qui nous entourent, c’est toujours notre musique qu’on entend.»
Il y a une impression de sérénité, de douceur, de lenteur, qui se dégage de l’album. Comme sur la pochette intérieure où un chat se promène autour de vous…
S.T.O. : C’est dans ma salle à manger qu’a été prise cette photo ! Nous avons beaucoup enregistré chacun de notre côté, nous avons fait des démos. Mais quand on se retrouve, peu importe le nombre de musiciens qui nous accompagnent, c’est toujours notre musique que l’on entend. On a aussi envoyé des bandes au contrebassiste Jo Berger Myhre et il a ajouté ses propres choses. Tous les autres musiciens arrivent après !
Que signifie le titre de l’album « A Stray Labyrinth » ?
S.T.O. : C’est comme une carte dans laquelle on se perd. C’est un peu comme quand je compose. J’ai une ligne de base, je brode autour et puis cela part dans l’improvisation. Même si je ne suis pas une réelle compositrice jazz, j’ai quand même la fibre de l’improvisation en moi. Et le titre m’est venu alors que j’enregistrais et que l’improvisation m’emmenait vers d’autres choses.
«On se perd parfois dans notre musique… et c’est ce que j’aimerais que les auditeurs fassent aussi.»
Est-ce que ce titre évoque aussi une période de doutes ?
S.T.O. : Oui, le covid n’a rien arrangé. Quand nous répétions ou quand nous enregistrions à deux d’une façon acoustique, nous nous demandions ce que cela pourrait donner en concert. Mais l’avenir était incertain, les relations humaines aussi. La preuve, en entendant certaines paroles, mon mari s’est écrié « Mais est-ce que cette chanson est à propos de moi ? » (rires) Mais je parle aussi de moi ou j’invente. Ou cela m’est inspiré par un livre. La pochette exprime aussi le fait de se chercher avec Eirik, parfois on se trouve ou pas. Cela arrive aussi avec la musique, il n’y a pas toujours une interaction musicale entre nous deux. On se perd parfois et c’est ce que j’aimerais aussi que les auditeurs fassent : se perdre dans l’album, retrouver leur chemin, découvrir de nouvelles choses. Il y a donc plusieurs explications au titre général. La fille qui réalise toutes nos pochettes est à nos côtés depuis vingt ans, c’est le troisième membre du groupe.
Avez-vous des projets de tournées ?
S.T.O. : Au printemps, pour la sortie de l’album, nous avons fait une longue tournée en Norvège puis nous sommes partis en tournée au Japon. Nous allons refaire quelques concerts ici, mais nous planifions des concerts aussi pour le Benelux parce que nous y avons reçu de très bonnes reviews. Mais rien n’est évident si certains ont des idées qu’ils nous les communiquent ! (rires)
Merci à Claudy Jalet pour l’aide et la traduction.
Picidae
A Stray Labyrinth
Nyenor