Bram De Looze : Une carte, trois coups

Bram De Looze : Une carte, trois coups

Bram De Looze © Jean Pol Cornelis

Carte blanche à Bram De Looze au Brussels Jazz Festival. Rencontre avec le pianiste.

Trois volets dans ta carte blanche, dont le trio « Vice Versa » avec lequel tu as déjà sorti un album. Ce sera un nouveau répertoire ?
Bram De Looze : Je suis en train d’écrire des nouveaux morceaux pour le trio et je suis aussi en train de travailler une composition que j’ai écrite pour un solo parce que, pour ce trio avec Felix Henkelhausen et Eric McPhersen, j’aime trouver des morceaux avec des rythmes qui ne soient pas évidents ; et là, dans mon programme solo, j’ai quelque chose que je voudrais essayer avec eux, je pense que ça peut être super. Mais je pense aussi demander à Felix d’écrire un morceau, j’espère qu’il acceptera.  Pour le quartet, je vais demander à Hank Roberts d’écrire un thème parce que pour le violoncelle, ce n’est pas évident, d’autant qu’il y a aussi une contrebasse ; il faut trouver la fonction de chacun, mais j’ai confiance, je pense que ça va fonctionner.

Sur l’album « Vice Versa », la présence de Eric McPhersen m’a fait penser à Fred Hersch avec qui il a joué et enregistré. Toi qui admires Fred Hersch, est-ce que le choix du batteur tient à ça ?
B.DL. : Oui, bien sûr. Mais c’est aussi et peut-être surtout parce qu’il a joué avec Andrew Hill sur l’album « Time lines », et là j’ai découvert son côté plus libre. Dans le contexte de Fred Hersch, il est aussi très libre et c’est pour ces qualités que je l’apprécie beaucoup. Sa mère connaissait Michael Carvin, Elvin Jones, Max Roach, et tu peux entendre ça dans son jeu. J’ai travaillé en studio avec Michael Carvin, c’est très fort.

Bram De Looze © Servaas Van Belle

La deuxième partie, c’est un quartet.
B.DL. : Je vais prévoir du matériau musical très simple, très clair, parce qu’on n’aura pas beaucoup de temps pour répéter. Mais je sais que ce sont des improvisateurs hors pair et qu’ils trouveront toujours une façon de jouer ce matériel d’une manière différente, et c’est ce que j’aime avec ces musiciens, découvrir d’autres choses.

«C’est quand j’ai vu Thomas Morgan au Village Vanguard que j’ai entendu quel son et quelle imagination il a.»

Le violoncelle, c’est un défi ?
B.DL. : J’ai déjà joué avec des violoncellistes, peut-être pour lui. Quand tu écris, tu dois imaginer le son, trouver une balance avec la contrebasse. Je sais qu’avec Joey Baron ce sera facile de s’adapter au contexte.

On parle de ta facilité à improviser. Pour un quartet, cela demande-t-il plus de préparation, prépares-tu des structures ?
B.DL. : Oui, on peut choisir d’improviser librement, mais je pense qu’avec le piano, violoncelle et contrebasse, ce n’est pas si facile. Avec ce groupe, je sais qu’il faut une structure rythmique parce que chacun est très spécifique dans sa manière de jouer.

Sera-ce ton premier concert avec Thomas Morgan ?
B.DL. : En effet, c’est la première fois que je joue avec lui dans un vrai concert. Je l’ai rencontré à New York, j’ai fait un workshop avec lui au Lemmens Instituut, je l’ai vu plusieurs fois en concert à New York. Quand je l’ai vu avec Paul Motian au Village Vanguard (j’y suis allé trois soirs d’affilée), j’ai vu quel son, quelle imagination il a. Il est tout le temps présent, il met beaucoup d’espace, il met les notes dans des endroits très spécifiques. Aussi son jeu avec Craig Taborn, m’a impressionné, comme dans le trio de Dan Weiss. Ce sont des expériences importantes. Joey a joué beaucoup avec Hank Roberts, déjà dans les années 80 dans le groupe « Black Pastel ».

Bram De Looze © Geert Vandepoele

«Le duo Gayageum, ce ne sera pas quelque chose de facile à faire, mais j’aime bien ce challenge.»

Le troisième projet sera quelque chose d’inattendu, un duo au gayageum avec une musicienne coréenne : d’où vient l’idée de ce duo.
B.DL. : En fait, j’ai épousé une Coréenne et je suis à Séoul chaque été depuis huit ans. J’y ai découvert la musique traditionnelle de Corée. C’est Basile Peuvion, qui s’intéresse aux percussions coréennes, qui m’a fait écouter quelques albums. Je m’y suis intéressé, mais ce n’est pas vraiment l’instrument qui m’a intéressé, c’est plutôt la musicienne qui a étudié la musique traditionnelle et le jazz. Elle a déménagé à New York et a étudié au New England Conservatory ; elle joue avec les improvisateurs les plus fous de New York. C’est un mix très spécial que je n’ai jamais rencontré, quelque chose de vraiment nouveau pour moi. C’est un instrument très fragile, le son est très court, fort dans les aigus. Ça ne sera pas quelque chose de facile, mais j’aime bien le challenge, et j’espère qu’on continuera à travailler ensemble. Elle joue aussi des standards, je l’ai vue avec un pianiste jouer un standard, une ballade, mais je chercherai un « middle point ». Elle a fait un concert à New York où il y a un duo avec un batteur, c’est une composition rythmique, mais le timing et le flow donnent quelque chose de très beau, et je voudrais trouver la même fluidité avec moi. J’aimerais laisser de l’espace dans la musique pour que le gayageum ait plus d’impact sur elle. On va expérimenter ça !

« Vice Versa » sera enregistré pour un nouvel album. Et les deux autres concerts ?
B.DL. : Oui, ce sera le cas. C’est une opportunité qu’on ne peut manquer.

Bram De Looze au Brussels Jazz Festival les 10, 12 et 16 janvier : www.flagey.be

Lire à ce sujet l’entretien avec Maarten Van Rousselt publié aujourd’hui sur JazzMania.

Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin