Alain et Antoine Pierre: destins croisés
Tree-Ho, à la guitare, le père, Alain Pierre; à la batterie, Antoine Pierre, le fils; à la contrebasse, Félix Zurstrassen, le fils de Pirli: une vraie histoire de familles.
Un nouveau concert de Tree-Ho constitue l’occasion idéale pour croiser les parcours du Président des Lundis d’Hortense (association des musiciens de jazz actifs en Belgique) et d’une des étoiles montantes de la batterie en Belgique. On pourra toujours confronter les parcours de Félix et Pirli à une autre occasion.
En marge d’un concert au Centre Culturel d’Alleur, au cours duquel Alain a présenté quelques-unes de ses nouvelles compositions comme Le Vin noir et Dancing Voices, rencontre détendue autour d’un poulet au curry.
TREE-HO (c) Jimmy Van der Plas
Tree-Ho, c’est un peu la confrontation de deux générations…
Alain: Oui, mais c’est en tout cas l’envie de partager la même musique, de faire un bout de chemin ensemble parce qu’on a forcément écouté souvent les mêmes musiques dans le même environnement familial.
Antoine: C’est vrai, je n’ai pas eu le choix… On écoute d’abord les mêmes disques que ses parents, après on choisit mais, en fait, tous ces disques me plaisaient.
Alain: Voilà, exactement… Donc, pour Antoine, c’était facile d’entrer dans ma musique. Moi, je l’ai vu forcément grandir, la symbiose était facile à opérer.
Cette symbiose vient aussi du fait que Félix joue souvent avec Antoine…
Alain: Félix, je l’ai rencontré au travers de concerts et de jams avec Antoine et puis, comme ils jouent souvent ensemble, au sein de différentes formations, c’était l’occasion de former ce trio.
En fait, Alain, tu as d’abord étudié la guitare classique…
Alain: Tout à fait, j’ai fait le parcours habituel d’un jeune Belge qui va, à un moment donné, à l’Académie de musique, qui choisit la guitare, je ne vais pas dire un peu par hasard, mais, en tout cas, en ne sachant pas trop quoi faire au début. La musique m’intéressait depuis toujours. Je me souviens que j’ai écouté beaucoup de jazz quand j’étais tout petit. J’étais notamment impressionné par les batteurs.
Comment as-tu découvert le jazz? Qui écoutais-tu?
En fait, je dois dire que je m’emmerdais un peu avec la guitare classique. Comme tout adolescent, évidemment, je voulais faire du rock : la guitare classique, c’était pas très sexy. J’écoutais beaucoup de rock, surtout du rock progressif : Genesis, Pink Floyd, Yes, tous ces gens-là. Je suis arrivé dans le jazz grâce à mon frère aîné qui, lui, a ramené à la maison des disques de jazz rock. Donc, je suis rentré dans le jazz via les disques de Philip Catherine et Larry Coryell, notamment les disques acoustiques puis, de là, je suis passé très vite vers John Mc Laughlin, Paco de Lucia et, grâce à la médiathèque, j’ai découvert Ralph Towner et Egberto Gismonti : une révélation, j’avais 14-15 ans. Pour moi, c’était la jonction entre le jazz qui m’intéressait et la guitare classique que je pratiquais presque malgré moi. Mon chemin, c’était d’arriver vers la musique de Ralph Towner et de Philip Catherine : c’était l’époque des années 1970. J’ai écouté beaucoup cette période acoustique de Philip Catherine, Larry Coryell, John Mc Laughlin, Al di Meola aussi mais dans une moindre mesure et, surtout, Ralph Towner et Egberto Gismonti.
L’un utilise la guitare à 12 cordes comme toi et l’autre la guitare à 8 cordes…
Ralph Towner utilise effectivement la guitare à douze cordes (6 doubles cordes) et Egberto Gismonti toutes sortes de guitares différentes dont une à 14 cordes simples.
Antoine, je suppose que toi aussi, tu as découvert le jazz très jeune…
Antoine: En quelque sorte, je n’ai pas eu le choix. J’ai souvent partagé les mêmes goûts musicaux que mon père. Moi, j’écoutais à fond Pat Metheny. On avait, à la maison, une cassete video que j’ai regardée des milliers de fois. C’est surtout au travers de cela que j’ai commencé à m’intéresser à la musique. Je m’amusais à reproduire tous les instruments sur des caisses de poudre à lessiver. Mais, en fait, au niveau instrument, je n’ai pas commencé par la batterie mais par le saxophone à l’Académie. Comme tout Belge qui veut commencer à faire de la musique, j’ai suivi la filière des Académies : cours de solfège, etc.
Antoine Pierre (c) Jimmy Van der Plas
Tu as commencé à étudier la batterie avec Antoine Cirri..
Exactement, j’ai commencé la batterie à 12 ans, d’abord tout seul puis je suis allé chez Antoine, ensuite, j’ai eu un peu cours aux Jeunesses Musicales mais c’est avec Antoine que j’ai commencé à travailler le jazz. Après, j’ai eu des cours avec Stéphane Galland en stage. Par la suite, je suis entré au Conservatoire suivre des cours avec lui de manière régulière. Par la suite, j’ai eu des stages avec différents batteurs, comme Antonio Sanchez, pendant une semaine en Italie.
Toi aussi, Alain, tu es allé au Conservatoire de Bruxelles…
Je suis allé au Conservatoire de Bruxelles dans la section jazz. Auparavant, j’avais fait le Conservatoire classique à Liège où j’ai eu cours d’imprrovisation libre avec Garrett List et parallèlement j’ai eu l’occasion de participer aux derniers trimestres du Séminaire de Jazz, toujours au Conservatoire de Liège.
Avec le guitariste français Serge Lazarévitch…
Avec Serge Lazarévitch qui a été vraiment mon premier professeur de guitare jazz mais aussi avec Jacques Pirotton parce que Serge était retourné à Paris. Puis, j’ai eu cours d’harmonie avec Steve Houben et avec Pirli Zurstrassen : vraiment un déclencheur, parce que toutes ces années en autodidacte n’avaient pas été faciles. Le Séminaire de jazz m’a donné beaucoup de clés. Malheureusement, cela s’est arrêté, puis, il y a eu des cours en Académie, un peu partout en Wallonie, notamment à Amay. Puis, finalement, la section jazz du Conservatoire de Bruxelles s’est ouverte en 1988, là, je suis entré dans la classe de Paolo Radoni et aussi dans la classe d’harmonie jazz d’Arnould Massart. Ma rencontre avec Arnould a été très importante, parce que, depuis toujours, j’écrivais de la musique. Les cours avec Arnould ont été un cristallisateur du processus compositionnel. Cela a été très important de travailler avec lui.
Un de tes premiers groupes de jazz a été Sloong…
Oui, Sloong avec Frédéric Willaume au saxophone, Jean Borlée à la contrebasse et Jean Campos à la batterie. Un chouette groupe : je regrette d’ailleurs qu’on n’ait pas eu les moyens d’enregistrer à l’époque. A ce moment-là, je jouais encore de la guitare électrique: ça a été un des derniers groupes avec lequel j’ai joué de la guitare électrique.
Ensuite, tu as joué dans le groupe AJA avec Antoine Cirri…
AJA était le projet d’Antoine mais j’en étais, en quelque sorte, le co-leader puisqu’on jouait principalement mes compositions. Mais, c’est Antoine qui assurait vraiment la direction musicale. AJA a d’abord été un trio avec Olivier Stalon à la basse puis un quartet avec Stéphane Mercier au saxophone. C’est aussi un groupe avec lequel on aurait dû enregistrer mais la vie s’est passée autrement. Parallèlement, il y a eu un projet important qui était Anfass, le souffle en arabe, avec Steve Houben et deux musiciens tunisiens : Fawzi Chekili, guitare et oud, et Hichem Badrani au ney. Pour moi, ce quartet a constitué un vrai tournant dans ma carrière, , parce que j’ai pu m’exprimer pleinement dans le jeu acoustique. C’est à cette période-là que j’ai revendu ma guitare électrique et que j’ai pu vraiment prendre des décisions musicales comme celle d’opter pour la guitare acoustique et de l’assumer pleinement en sachant très bien que, dans le monde du jazz, les musiciens et le public préfèrent généralement la guitare électrique. Je savais que j’allais me fermer certaines portes mais je savais aussi que je pourrais m’exprimer beaucoup plus à mon image, à l’esthétique à laquelle je voulais m’identifier.
Tu n’as pas seulement croisé Steve Houben dans Anfass mais aussi en duo…
Oui, Steve je l’avais rencontré au Séminaire de Jazz de Liège et, quand je suis entré au Conservatoire de Bruxelles, il y était professeur : on se croisait donc pas mal. On a joué une fois ou l’autre ensemble. Un jour, je l’ai appelé pour le projet Anfass. Quand j’ai fait mon premier voyage en Tunisie, j’ai travaillé avec mon homologue Fawzi Chekili avec qui on a eu le projet de monter Anfass. L’idée était de prendre chacun un partenaire de notre pays. Mon choix s’est tout de suite porté sur Steve. C’était quitte ou double. Je l’ai appelé et il a immédiatement accepté. Ce projet a pas mal voyagé mais la difficulté pour les tournées, c’était de faire venir les deux Tunisiens. Je n’ai d’ailleurs pas réussi à répondre à tous les engagements proposés, ce qui est quand même un comble en Belgique où on a du mal à trouver des tournées. Mais j’avais des idées musicales qui me trottaient en tête et, un jour, j’ai proposé à Steve de jouer en duo. Il a accepté avec plaisir. On a commencé à travailler ensemble. J’ai de plus en plus écrit de nouvelles compositions pour ce duo. On a fait pas mal de concerts : j’ai voulu alors enregistrer. Cet enregistrement s’est, en fait, réalisé en deux temps, d’abord en 2005. Malheureusement le disque n’est pas sorti faute de producteur. C’est toujours un peu la même histoire. Comme, entretemps, j’ai écrit de nouveaux morceaux, nous sommes retournés en studio pour les enregistrer. Le disque, Dolce Divertimento, sorti en 2007, est donc le résultat de deux tournées que nous avons faites en 2005 et 2006. Le projet a remporté un beau succès.
Un autre projet important, c’est Acous-Trees…
Pour le moment, le projet est un peu en stand-by. Pour moi, Acous-Trees est un projet finalement logique après Anfass, avec ses deux souffleurs et ses deux guitares, et après le duo avec Steve, une formule très intimiste, mais, à chaque fois, une formule sans percussion et sans basse. J’avais envie d’une formation plus large. J’ai commencé à écrire de la musique pour Acous-Trees avec Pierre Bernard à la flûte, Olivier Stalon à la basse et Fred Malempré aux percussions. Pierre, je le connais depuis longtemps du Conservatoire de Liège et j’ai joué avec lui à différentes reprises. Olivier jouait déjà dans AJA et Fred, je l’ai rencontré, pas du tout dans le monde du jazz, mais au travers du groupe de Raphy Rafaël, un chanteur pour enfants qui avait un groupe avec André Klenes et Didier Laloy. Puis, au chant, s’est ajoutée Barbara Wiernik que j’ai appelée pour la première fois. Quand on a écouté John Mc Laughlin étant jeune, on a forcément été influencé par son groupe de musique acoustique Shakti. Barbara ayant vécu en Inde pour travailler cette musique, l’intégrer dans le groupe était une évidence.
Alain Pierre (c) Jimmy Van der Plas
Avec Barbara, tu t’es produit dans différentes formules de formation, du duo au gros projet Les 100 ciels de Barbara Wiernik..
Un projet hors normes… Les 100 ciels de Barbara a, malheureusement, mis en veilleuse Acous-Trees parce que ce projet représente deux années de travail pour Pirli et moi qui avons conçu les arrangements pour ce groupe qui réunit huit jazzmen (outre Barbara, Manu Hermia, Jacques Pirotton, Sam Gerstmans, Fred Malempré, Yves Peeters, Pirli et moi) et cinq musiciens classiques dont un quatuor à cordes. Deux ans de travail pour, malheureusement, trois concerts et pas de projet discographique alors que ce projet en vaut vraiment la peine : il fait la synthèse de toutes les formations auxquelles Barbara a participé. Faute de concerts et de disque, on s’est dit qu’on ne pouvait pas prolonger ce projet. Sinon, avec Barbara, on a beaucoup travaillé en duo et on continue à le faire. Jean-Louis Rassinfosse nous a entendus jouer une fois. On était retourné en Tunisie pour donner des cours : il y avait Pirli, Jean-Louis, le tromboniste français Geoffroy de Masure, Barbara et moi. On a jammé ensemble et Jean-Louis a aimé le son que nous avions, Barbara et moi. Il a alors proposé de faire quelque chose à trois. On a formé un trio tout à fait différent du duo: on joue d’autres compositions, d’autres musiques. On a d’abord choisi un répertoire très éclectique pour Trio 27 puis on s’est recentré sur mes compositions. J’en ai écrit de nouvelles sur lesquelles Barbara a écrit des textes, il y a aussi des morceaux spécialement choisis pour le trio. On aboutit donc à un projet plus personnel et on a pris WRaP comme nom de groupe. On va sortir un album en février prochain. Le disque a été enregistré l’année passée en décembre et mixé en février : on avait plus de 70 minutes de musique à notre disposition mais on n’en gardera qu’une soixantaine pour un album qui sortira en 2014. On a déjà une dizaine de dates de concerts prévues.
Tu as aussi un groupe avec Toine Thys…
C’est un groupe qui est né un peu par hasard, c’est en fait une formule élargie de Tree-Ho avec Barbara et Toine Thys en plus, pour laquelle j’ai ressorti de mes tiroirs la musique d’Acous-Trees. J’avais deux dates au Sounds, l’une pour Tree-Ho et Sergio m’a proposé de garder l’autre pour un autre projet. Comme je travaille beaucoup avec Toine, pas fatalement sur les scènes, même si on a joué plusieurs fois ensemble, mais parce qu’on fait partie du Conseil d’administration des Lundis d’Hortense, on s’est dit que c’était l’occasion de faire quelque chose de vraiment concret. Cette soirée qui, au départ, ne devait être qu’un one shot ne le restera pas. Il faut remettre le couvert en 2014 en tout cas. En dehors de cela, j’ai un concert solo au mois de mars : j’ai pas mal de compositions pour guitare solo. Et puis, il y a le duo avec Peter Hertmans. Nous avons fait pas mal de concerts ensemble. On a un projet de disque aussi mais on voudrait encore rôder le répertoire : on est en train de l’étoffer avec des compositions originales parce qu’on a d’abord joué beaucoup de reprises. On voudrait avoir un répertoire plus personnel pour l’album.
Toi, Antoine, on t’a découvert au sein du Metropolitan, avec Igor Gehenot, tu devais avoir 16 ans…
Antoine: Tout à fait… Le Metropolitan est parti d’un groupe formé avec Sylvain Haenen à la guitare et Louis Frère à la basse électrique. En fait, on a rencontré Igor lors d’un workshop avec Nathalie Loriers à Liège. On a alors décidé de former un quartet puis un quintet avec Clément Dechambre au saxophone. Je me suis vraiment lié d’amitié avec Igor. On a gagné un Prix à Comblain. C’est ce qui nous a fait décoller et nous a permis à Igor et à moi de découvrir ce que l’on voulait faire. Igor a formé ensuite son trio avec Sam Gerstmans à la contrebasse et moi à la batterie. On a notamment joué aux Dinant Jazz Nights, sur la grande scène en 2010, avec Greg Houben en invité. Par la suite, on est allé sur Bruxelles mais le Metropolitan s’est arrêté parce qu’on allait tous dans des directions différentes et parce qu’on n’habitait pas la même ville : Sylvain et Louis à Anvers et nous à Bruxelles. Igor a continué son trio mais, d’un commun accord, j’ai quitté la formation parce qu’Igor allait dans une direction dans laquelle je n’étais pas vraiment prêt à aller. Il a vachement décollé de son côté avec Teun Verbruggen à la batterie. Puis, par après, on s’est retrouvé dans d’autres formations. On joue toujours ensemble, par exemple, dans LG Jazz Collective.
IGOR GEHENOT (c) JOs Knaepen
Au sein duquel tu retrouves Guillaume Vierset qui a fait partie du Metropolitan Laboratory…
Oui, au sein du Metropolitan Laboratory, il y avait Guillaume à la guitare, Bruno Grollet au saxophone et on invitait différents musiciens selon les concerts. On avait proposé au Jacques Pelzer Jazz Club de faire une résidence, un samedi sur deux. A l’époque, le club rencontrait des problèmes financiers. On profitait de cette résidence pour répéter : on allait juste manger et l’argent des entrées allait au club. On travaillait puis on jouait : c’était un peu des répétitions publiques.
Tu as aussi croisé Guillaume à diverses reprises…
Oui, d’abord au sein de son quartet avec Jérôme Klein au vibraphone et Félix à la basse puis, sous les conseils de la Province de Liège qui proposait de faire des arrangements de compositeurs liégeois et, à cette fin, de réunir de jeunes musiciens liégeois, il a formé le groupe LG Jazz Collective. Maintenant, le groupe a évolué : Guillaume arrange toujours des compositeurs belges mais il a élargi son éventail de choix en l’ouvrant à des compositions de Philip Catherine, Nathalie Loriers ou Lionel Beuvens. On a élargi cet éventail à toute la Belgique au lieu de se concentrer sur les seuls compositeurs liégeois. Il commence aussi à composer beaucoup plus.
Il y a un projet de disque?
Je le pense mais cela doit encore se concrétiser vraiment.
En parallèle, on t’a souvent entendu dans des trios, par exemple, avec Jean-Paul Estiévenart qui, lui aussi, fait partie du LG Jazz Collective…
C’est tout récent, c’est un projet qui me tient beaucoup à coeur parce qu’on a quand même passé beaucoup de temps sur ce projet qui vient de déboucher sur l’album Wanted sorti sur le label De Werf. On y retrouve Sam Gerstmans à la contrebasse et le saxophoniste espagnol Perico Sambeat sur trois pistes. On avait le souhait de centrer cet album sur les compositions originales de Jean-Paul, on voulait vraiment avoir une énergie de groupe, ce que l’on ne trouve pas fatalement en Belgique. On voulait trouver un son vraiment personnel.
Une autre grande aventure pour toi, ça a été la rencontre avec Philip Catherine…
Oui, c’est une vraie aubaine parce que, durant toute mon enfance, avec mon père, j’écoutais les disques de Philip, peut-être pas consciemment au début, parce que j’étais alors surtout fan de Pat Metheny. Mais j’écoutais aussi Ralph Towner et tous les guitaristes de cette époque et, par conséquent, fatalement Philip Catherine et notamment ses albums avec Larry Coryell, mais j’étais jeune. Je l’ai écouté pendant toute mon adolescence et, fatalement, quand je me suis intéressé au jazz, il a été une référence. A une jam, on a joué ensemble et j’ai reçu, par la suite, la proposition de jouer avec lui.
On a pu notamment t’entendre avec lui lors d’un concert en quartet avec Greg Houben au Pelzer…
En fait, j’ai fait une jam avec Greg et, par la suite, Greg a proposé le concert avec Philip. On a joué ensemble et, le lendemain, il m’a téléphoné pour voir si j’étais libre pour jouer dans son groupe, d’abord en trio avec Philippe Aerts à la contrebasse puis dans son quartet avec Nicola Andrioli au piano.
Ce quartet a enregistré l’album Côté Jardin, l’an dernier, es-tu au courant de l’interview accordée par Philip au magazine des Lundis d’Hortense dans laquelle il t’encense (1) et présente ce quartet comme l’une de ses meilleures formations. C’est vrai que tu apportes au groupe de nouvelles couleurs de percussion comme sur le solo de Janet…
En trio avec Philip, j’ai d’abord joué avec un swing vraiment jazz : c’était déjà super. Avec le quartet, on a commencé à jouer davantage de compositions de Philip et de Nicolas : on partait dans une autre direction que j’apprécie beaucoup aussi. Et, pour le disque, il m’a demandé d’amener des choses différentes, de nouveaux sons, des percussions que personnellement je ne possède pas. Je suis allé trouver Fred Malempré qui m’a filé une vraie armada de percus. En studio, je me suis retrouvé avec plein de nouveaux matériels qu’on ne connaissait pas et le but de Philip était que j’essaie le plus de choses possible: un vrai laboratoire. Ce que j’adore avec ce disque, c’est que, malgré toutes les partitions, toute la lecture que cela implique, la session s’est passée très naturellement. Du coup, cela sonne vraiment frais, parce qu’on n’avait pas les automatismes habituels, on réagissait plus à l’instinct. Maintenant, quand on joue ces morceaux en live, je cherche à conserver les mêmes effets de couleurs que peuvent apporter des percussions mais simplement avec la batterie, cela m’éclate aussi. L’aspect percussion sur beaucoup de compositions est maintenant utilisé et je remarque que, dans mon jeu, je suis à la recherche de sonorités différentes : j’ai envie d’explorer davantage la batterie comme instrument à sons plutôt que comme simple instrument à rythme, sans pour autant ne faire que de la texture: le but est d’avoir une large palette de sonorités.
Une autre rencontre importante, c’est, sans doute, celle d’Enrico Pieranunzi, incontestablement l’un des meilleurs pianistes européens. Comment cette rencontre s’est-elle faite?
En fait, c’est au travers de Philip. Enrico Pieranunzi a joué avec Philip à diverses reprises, ils ont d’ailleurs enregistré deux disques ensemble. Ce qui est marrant, c’est que, lors du deuxième concert avec Philip, il était prévu qu’on joue en trio, je n’étais pas au courant qu’Enrico était invité. Je l’ai appris le jour-même or, à l’époque, je ne savais pas vraiment grand chose à son propos. Du coup, je n’ai pas été stressé par cette rencontre. Après le concert, je me suis renseigné et je me suis dit : “Zut, c’est quand même quelque chose.”
Il a notamment joué avec quelques-uns des meilleurs batteurs américains, comme Paul Motian ou Joey Baron…
Oui, il a fait des disques incroyables. On a donc fait ce concert en quartet et, trois ou quatre mois après, Enrico est venu faire un concert à Maastricht avec Philippe Aerts à la contrebasse. Il a demandé si j’étais libre. On a donc fait ce concert en trio : c’était super gai, cela a été une superbe expérience. Je pense qu’il y aura d’autres concerts en quartet avec Philip : Enrico aimerait bien renouveler l’expérience.
Tu viens de participer à l’album Either Way de la chanteuse française Anne Ducros…
Oui, mais là en tant qu’invité, je ne fais pas vraiment partie de la formation de départ avec Maxime Blésin à la guitare et Bruno Castellucci à la batterie. Anne Ducros m’avait entendu avec Philip à Paris et elle voulait un autre son de batterie pour quelques pistes. Je dois apparaître sur deux ou trois morceaux.
Par ailleurs, tu retrouves Greg dans la formation Houben Factory…
J’ai joué pas mal avec Greg et avec Steve aussi en fait… Par conséquent, quand Greg et Steve ont décidé de former un groupe ensemble, ils m’ont appelé. Je suis content de participer à ce projet parce que c’est chouette de les voir réunis à nouveau : il y a une belle énergie dans le groupe.
GREG & STEVE HOUBEN (c) Jos Knaepen
Tu es aussi un peu le champion des remplacements, notamment de Hans van Oosterhout…
Oui, je le remplace parfois au sein du quintet de Sal La Rocca et je lui ai succédé dans le Bop and Soul Sextet de Maxime Blésin. Je joue aussi dans le nouveau trio de Pascal Mohy avec Sal La Rocca : une autre belle expérience.
D’autres projets en route?
Oui, Conference Of The Birds, un superbe projet dans lequel je me retrouve avec Félix. C’est le nouveau projet de Fabrizio Cassol. C’est un projet important. On a fait deux concerts et on vient d’enregistrer. C’est un processus de travail qui a duré très longtemps, presque un an et demi de sessions de travail. La formation est composée de Bert Cools à la guitare électrique et aux effets (le guitariste de Bruno Vansina sur le bel album Stratocluster chroniqué sur le site,ndlr), Manu Baily à la guitare, Fabrizio au soprano et à l’alto et un clarinettiste classique et de musique contemporaine, Rudy Mathey à la clarinette et clarinette basse. A la base, Fabrizio a voulu faire un projet sur les chants d’oiseaux. Il est parti de ces chants pour écrire des compositions qui, comme il le dit, sont de vrais tableaux : c’est une musique très imagée, sur le fonctionnement du monde, une manière d’entreprendre la musique qui a un vrai rapport avec la vie. C’est une superbe expérience, un projet qui se met en route et aboutira, j’espère, à un album.
Propos recueillis par Claude Loxhay