Artvark : Mother of Thousand

Artvark : Mother of Thousand

OINK Artvark

Si vous étiez au Jazz! Brugge en 2012, un concert doit vous avoir marqué. La chanteuse « classique » Claron Mc Fadden, premier rôle de l’opéra « The Woman who Walked into Doors » de Kris Defoort, une des voix du « Strange Fruit » de Fabrizzio Cassol, l’initiatrice du projet « Secrets » avec le trio Massot-Florizoone-Horbaczewki, venait de se produire, réellement entourée par l’Artvark Saxophone Quartet. A l’inverse d’autres quatuors de saxophones figés dans une immobilité hiératique, les quatre Hollandais déambulent sur la scène, forment des duos, encerclent la vocaliste pour mieux la lover dans la musique. Claron Mc Fadden venait d’enregistrer « Sly Meets Callas »…

Ici, l’Artvark sort son dixième album. Ce quatuor, aux motifs hypnotiques mêlés de blues comme d’élans vers la musique répétitive, réunit quatre saxophonistes de premier plan. A l’alto, d’une part, Rolf Delfos, membre du sextet The Houdini’s avec Angelo Verploegen à la trompette, d’autre part, Bart Wirtz, qui a joué avec Nicholas Payton et enregistré « Prologue » en quartet. Au ténor, Mete Erker, qui a côtoyé les pianistes Jeroen Van Vliet et Harmen Fraanje, ainsi que Anton Goudsmit, le guitariste cher à Eric Vloeimans. Au Baryton, Peter Broekhuizen qui, avec Rolf Delfos, fait partie de The Auratones. Le quatuor a croisé la route de Peter Erskine, Doudou N’Diaye Rose ou Chris Potter. En Parallèle avec l’album « Trance » de 2017, les quatre mousquetaires ont créé les projets « Bosch in bed » ou  « Einstein on the Beach » en collaboration avec Philip Glass. Ici, la référence, outre un hommage à Adolphe Sax, est la musique d’Arvo Pärt. Si d’habitude les quatre saxophonistes à la complicité empathique présentent des compositions en référence avec l’un ou l’autre univers artistique, ici, ils se sont rassemblés en studio sur base de courtes idées pour des compositions spontanées à créer et développer sur place, avec recours à des « cadres » hors normes.

« Mother of Thousand » fait référence à une plante à la croissance exponentielle, en parallèle à cette composition non écrite mais élaborée en commun, avec une intro jouée au ténor. « STNKS » incarne pleinement la complémentarité entre les quatre saxophones, le solo d’alto joué par Bart Wirtz, est enregistré de manière originale avec un iPhone. « We’re Gonna Believe », conçu en plein lockdown, incarne une volonté d’introspection. « Cataphyll », inspiré de la vie éphémère d’une feuille, a été la première plage enregistrée lors de ce projet, elle met en évidence un solo de baryton, avec un « snare drum » placé entre le saxophone et le micro. « Inner Circle » est joué par quatre saxophones originaux, conçus par Adolphe Sax lui-même au 19e siècle, des instruments issus de la collection de Leo van Oostrom. Le solo d’alto est joué par Rolf Delfos. « A Slide’s Nest », avec Leo van Oostrom en invité, est joué par trois « swanee sax » et deux saxophones à coulisse conçus en 1920, ce titre est inspiré d’une pièce d’Arvo Pärt. « Solstice », en référence au coucher de soleil, convie le batteur Mark Schilders en fin de thème. « Narayama », inspiré d’un film d’Imamura, est ponctué par un solo de baryton.  « Glassy », en référence à la musique de Philip Glass, se ponctue par un solo d’alto. « Not a Stone » a été conçu durant un exercice d’improvisation, comme « M64 ». « Pulse » est à la recherche d’une certaine sérénité. « Quadrivium » est conçu comme une union entre arts et science. Pour finir, « Ubiquitus » inspiré par la Grande Ourse se clôt avec un solo de Bart Wirtz. Un album passionnant de bout en bout qui crée un pont entre jazz, musique contemporaine et musique répétitive.

Claude Loxhay