Dans Dans ‐ la contredanse
A peine un an après avoir publié l’un des disques essentiels des années COVID (« Zink » ‐ Chronique JazzMania), le trio anversois nous revient déjà avec un sixième album sous le bras. Une procédure d’enregistrement un peu différente pour un résultat pratiquement inchangé. Le bassiste, Fred « Lyenn » Jacques s’en explique.
Vous avez produit cet album vous-mêmes, exit Koen Gisen et Christine Verschorren. Quelle en est la raison ?
Frédéric Lyenn Jacques : C’est quoi la production en fait ? Il y a l’aspect technique et puis il y a l’aspect artistique. Le producteur place les micros afin d’obtenir tel ou tel son alors que nous, nous lui parlons d’atmosphères musicales. Finalement, la frontière n’est pas toujours très claire. Or, nous avions une idée assez précise du résultat que nous voulions atteindre. Nous ne nous sommes pas vraiment concertés au sein du groupe, les chose se sont passées assez naturellement… Le résultat n’est pas franchement différent par rapport aux albums précédents.
Je me trompe peut-être, mais je pense que vous aviez aussi la volonté de « salir » un peu le son. Pour « Coyote » par exemple, on se situe à la lisière d’un « rock garage ».
F.L.J. : (étonné) Tu trouves ? Non… ou alors, ce n’est pas volontaire. Bert (Dockx – NDLR) a acquis quelques nouveaux effets pour sa guitare. C’est peut-être l’une des raisons qui explique cette modification du son. Mais non… Depuis nos débuts, nous évoluons de façon très naturelle au niveau du son. Notre approche pour ce disque-ci est assez identique par rapport aux précédents. Toutefois, le processus a été très rapide. L’album a été achevé en deux semaines à peine.
C’est toujours joué en « live », sans overdubs ?
F.L.J. : Oui, en très grosse partie. Il y a bien quelques overdubs de réparation, l’un ou l’autre claviers rajoutés pour combler un vide, mais c’est plutôt rare…
«Nous ne sommes pas toujours d’accord. Chacun a son opinion. Comme l’auditeur d’ailleurs, qui préfère certains morceaux à d’autres.»
Comme pour « Zink », ce sont des compositions de vous trois seulement. Comment fonctionnez-vous ? Quelqu’un apporte le thème et les autres complètent ?
F.L.J. : On a plus travaillé ensemble pour « Zink ». Et cela dès les prémices de la composition. L’un de nous venait avec une mélodie de base puis on brodait autour à trois, jusqu’à obtenir le résultat qui nous satisfasse… C’était une vraie collaboration. Ici, c’est un peu différent. La plupart des morceaux ont été composés individuellement puis travaillés ensemble, avec un esprit de groupe quand même. Nous ne sommes pas toujours d’accord, chacun a son point de vue… Comme l’auditeur d’ailleurs qui préférera toujours certains morceaux à d’autres.
Autrefois, vous faisiez régulièrement des reprises de standards du jazz : Monk, Mingus… Comme pour « Zink », ce n’est à nouveau pas le cas ici. Une façon de vous émanciper ?
F.L.J. : Autrefois, nous avions un background clairement jazz… C’est confortable de jouer des standards quand tu joues dans un groupe de jazz. Nous évoluions dans cette optique-là. Parallèlement, Bert comme moi développons d’autres projets qui finissent par produire leurs effets sur la musique de Dans Dans… On a récupéré ces sources d’inspiration pour aboutir petit à petit à ce résultat, en aiguisant davantage notre sens créatif.
Il y a une part de mystère dans votre façon d’aborder la musique. Avec des passages improvisés, proches du psychédélisme. Sur « Schaduw » par exemple, qui clôt l’album.
F.L.J. : Oui, en effet. On l’a toujours fait. C’est un univers sonore que nous apprécions tous les trois. Y compris dans nos projets parallèles. Pour « Zink », nous évoluions dans un processus très collaboratif, avec des échanges d’idées très dynamiques qui ouvraient peut-être plus de voies vers l’improvisation. Tandis que pour « 6 », le processus est davantage cloisonné… Même si les cloisons sont perméables et que les avis s’échangent entre nous.
«Le minimalisme fait partie de notre processus de travail.»
J’ai aussi remarqué chez vous une volonté d’épurer, de simplifier la musique.
F.L.J. : Ce sens de l’épure est particulièrement marqué chez moi. J’aime aller à l’essentiel, laisser de l’espace pour l’auditeur, pour qu’il y trouve sa propre place. J’aime beaucoup le minimalisme.
Y compris pour l’artwork des pochettes… Je pense à « Zink », mais c’est frappant aussi pour la pochette de « 6 » (un fond noir et un simple lettrage rouge).
F.L.J. : J’ai dessiné la pochette de « Zink » moi-même…
Et c’est toi qui a choisi ce magnifique ton rose ?
F.L.J. : Non, le fond n’était pas rose à la base. C’est une proposition du graphiste. On aimait bien ce ton rose un peu « sale »… Le minimalisme fait partie de notre processus de travail.
«Nous avons une tournée qui va démarrer en Allemagne, pour se poursuivre jusqu’en Turquie. Mais en Wallonie, rien !»
Ceci est donc votre sixième album, ce qui vous place parmi les vétérans de ce que certains appellent « la new wave du jazz flamand ».
F.L.J. : (étonné) La nouvelle vague du jazz flamand ? Les étiquettes et les noms que l’on donne aux scènes ne nous intéressent pas vraiment… Bien sûr, on constate qu’on en fait partie, qu’on lit souvent les mêmes noms sur les affiches des mêmes salles ou des festivals. En même temps, nous faisons évidemment partie d’un groupe de musiciens provenant du jazz, nous habitons dans les mêmes villes, on se croise, on se lie d’amitié. Ça crée une sorte de pollinisation… Ça reste naturel, ça se fait presque par la force des choses… On s’influence un peu entre nous, on s’écoute. Alors oui, on peut parler d’une scène flamande… Mais c’est sans doute aussi vrai à Bruxelles ou en Wallonie… Est-ce qu’un groupe comme Echt ! (basé à Bruxelles – NDLR) ne pourrait pas en faire partie ? Pour ma part, je préfère parler d’un réseau plutôt que d’une scène…
A propos, on peut espérer vous voir en Wallonie bientôt ?
F.L.J. : Je me suis fait la réflexion ce matin ! Pas une date prévue en Wallonie ! On ne se l’explique pas. C’est franchement décevant. Comment se fait-il que nous ne jouions pas à Liège, à Namur, … Idem pour la France. Nous jouons aux Pays-Bas, nous avons une tournée qui va démarrer en Allemagne puis se poursuivre au Danemark et même en Turquie. Mais rien en Wallonie ! Pourtant, on aimerait beaucoup !
Dans Dans en concert : le 19 octobre (De Casino, Sint-Niklaas), le 21 octobre (De Roma, Anvers), le 4 novembre (Ancienne Belgique, Bruxelles) et le 16 novembre (30cc/Schouwburg, Leuven).
Dans Dans
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Unday / N.E.W.S.