Eric Legnini, Waxx Up
Eric Legnini, Waxx Up
Il y a un peu moins d’un an – alors que l’album était en cours d’enregistrement – nous avions rencontré Eric Legnini dans son appartement parisien (ICI). À cette occasion, le pianiste nous avait raconté ses inspirations pour ce nouveau projet : son amour pour la soul des années ’70, son goût pour le Fender Rhodes et la rafale provoquée par To Pimp a Butterfly (Kendrick Lamar, 2015). Tout cela sans renier son ADN de pianiste issu de la grande tradition du jazz classique, dont il est l’un des plus importants représentants en Europe. Ajoutez à cela l’arrivée du roi belge du funk Daniel Romeo à la basse électrique, il n’en fallait pas plus pour attendre ce nouvel album avec une impatience certaine.
La soul et le funk ont toujours été bien présent chez Legnini. C’est pourtant à notre connaissance la première fois que l’artiste l’exprime aussi clairement dans un album personnel. « Exit » la contrebasse, le swing et le piano à queue : le temps de la section cuivre, de la pédale wahwah et du groove est venu. Si le premier single Despair (avec Yaël Naïm) nous laissait penser que l’album allait s’enfoncer dans la musique électronique plus qu’il ne le fait réellement, quelques sonorités électro complètent le ton résolument soul des morceaux. Il est clair que l’on ne trouve aucun opportunisme dans ce détonnant mélange d’influences : la qualité des compositions et le soin apporté aux arrangements témoignent d’un véritable amour du pianiste pour des styles de musique dont il s’est parfaitement approprié les codes.
Comme pour son précédent album “Sing Twice!” (2013), Legnini a décidé d’inviter plusieurs chanteurs à participer à ces nouveaux morceaux. Ainsi, on retrouve les chanteuses de soul Michelle Willis (que vous avez peut-être entendue sur l’excellent Family Dinner volume 2 de Snarky Puppy) et Nathalie Williams, le rappeur Charles X, les chanteurs Mathieu Boogaerts de Hugh Coltman, et bien sûr Yaël Naïm. Ibrahim Maalouf vient également poser sa trompette sur un morceau et nous laisse penser que le travail de Legnini sur “Red & Black Light” du même Ibrahim Maalouf n’a pas été sans influence sur ces nouvelles compositions. Le tout est complété par trois morceaux instrumentaux, qui permettent de se rendre compte définitivement de la virtuosité des musiciens. Mention spéciale pour la basse de Daniel Romeo, qui se hisse au niveau des meilleurs albums de James Brown.
De prime abord, la musique de “Waxx Up” peut sembler légèrement trop carrée pour les gens lassés des productions trop léchées. Cette impression se dissipe rapidement, tant on entre en vibration avec l’énergie positive qui irradie de l’album de bout en bout. Tout est là pour vous attraper par le col et vous propulser dans un voyage musical joyeux et captivant : des mélodies prenantes, un tandem batterie/basse qui groove comme ce n’est pas permis et, enfin, une qualité de composition et une variété dans les arrangements qui empêchent les morceaux de se ressembler.
Virtuose, accessible et festif, cet album est aussi une promesse de beaux concerts. Au final, Eric Legnini nous propose un album résolument soul qui tire parfois sur le hip hop, à la fois diablement efficace et très soigné, où la qualité des compositions et la subtilité des arrangements rappellent sans cesse qu’on a affaire au travail d’un grand musicien. Un album « feel good » qui fait hocher la tête, et qu’on sera sûrement nombreux à faire tourner en boucle cet été… et bien après !
Lucien Midavaine – Kenzo Nera