Jacques Thollot : Watch Devil Go

Jacques Thollot : Watch Devil Go

Souffle Continu

Combien reste-t-il de ces vieux briscards qui ont connu le Comblain-La-Tour des années ’60, ce festival qui a programmé John Coltrane, Cannonball Adderley, Gary Burton, Chet Baker, Bill Evans, Lee Konitz ou John Tchicai ? Mais aussi Albert Mangelsdorff, Henri Texier… Et qui avait ses fidèles, en particulier René Thomas. Le Liégeois avait eu alors l’excellente idée de recruter le jeune batteur français Jacques Thollot : une attaque incisive, un jeu volontiers décalé, les cheveux longs, le visage tourné vers le ciel, les yeux perdus dans les nuages, dans ses rêves. On peut retrouver trace de cette période sur les cédés « Guitars Genius I » et « II » de René Thomas, « Deep Purple » et « I Can’t Get Started » de 1964 (avec Jacques Pelzer à l’alto) ainsi que « Theme for Freddy » de 65 (avec Pelzer à la flûte). Né en 1946 et mort en 2014, Jacques Thollot a connu une carrière en dents de scie. Dès ses 13 ans, il étudiait la batterie aux côtés de Kenny Clarke, qu’il eut l’occasion de remplacer auprès de Don Cherry et Eric Dolphy. Il a enregistré une demi-douzaine de LP : « Quand le son devient aigu » (1971), « Watch Devil Go » (75), « Résurgence » (en 77), « Cinq Hops » (en 78), « A Water’s Tale » (avec Tony Hymas en 93) et « Tenga Niña » (avec Noel Akchoté et Claude Tchamitchian en 96). La même année, il a enregistré « Configuration » avec Sam Rivers.

Souffle Continu a ressorti « Watch Devil Go » pour le distribuer en cédé. Pour cet album, Jacques Thollot a fait appel à François Jeanneau (ts, fl, synthé) qui est aussi à un carrefour dans sa carrière : il a étudié la flûte au Conservatoire et le ténor en autodidacte. Il vient de sortir d’une période jazz-rock avec Triangle mais se retrouve en même temps en pleine période free avec Michel Portal, Jef Gilson (« Enfin ! » en 63), François Tusques (« Free Jazz » en 65). A la contrebasse, un vrai monument : Jean-François Jenny-Clark, qui côtoiera Don Cherry, Joachim Kuhn, Martial Solal ou Albert Mangelsdorff. En invités, chaque fois pour un titre, la chanteuse Charlène Scott (« Watch Devil Go ») et un quatuor à cordes (« Entre Java et Lombok »). On sent que Thollot se cherche : d’abord, quatre thèmes au free jazz déluré avec Jeanneau au ténor (dont « In Extended »), deux plages au piano (dont « Up Down »), un recours fréquent au re-recording et une multitude de thèmes avec synthé, un peu à l’image du parcours de Bernard Lubat. Une sorte de kaléidoscope.

Claude Loxhay